Quels sont les principaux défis de votre communauté d'agglomération ?
Notre territoire a des atouts indéniables liés à son passé, à sa situation géographique et à son potentiel. Contrairement à des villes nouvelles, comme Sénart, notre communauté d'agglomération est constituée de communes marquées par une Histoire parfois fort ancienne. Le territoire a également connu l'arrivée massive de populations économiquement fragiles, notamment sur Melun Nord, Dammarie-les-Lys et Le Mée-sur-Seine. Ces communes assez défavorisées, au regard du revenu fiscal par habitant, sont entourées de villages périphériques plutôt riches.
Melun est une ville préfecture, ce qui lui procure un certain nombre d'emplois publics qui constitue un fonds économique et social important, facteur de stabilité.
Côté géographie, la vallée de la Seine structure notre territoire, unissant et séparant à la fois. Elle rassemble des communes et en isolent d'autres, notamment par manque de ponts. Nous disposons par ailleurs de réserves foncières assez importantes, notamment sur des territoires en développement, comme Villaroche, ou en transformation, comme Vaux-le-Pénil. Nous disposons donc d'un bon potentiel économique, mais objectivement assez fragile, avec 35 % de logements sociaux, des situations familiales complexes, mais aussi avec des secteurs plutôt privilégiés.
Dans ces territoires aux destins contrastés, sur quoi portent actuellement vos actions ?
Toutes ces contraintes constituent finalement une chance. Nous devons les mettre à profit pour affirmer notre volonté de transformation et passer à une économie moderne, à la fois en termes d'activité, notamment industrielle, de bâti et d'infrastructures. Nous avons la grande chance d'être à 25 mn de la gare de Lyon par les directs de Melun. C'est tout à fait structurant. La gare de Melun voit d'ailleurs son trafic progresser de 5 % chaque année. Il est de première nécessité de transformer ce quartier de la gare pour y créer de l'activité et un pôle de transport multimodal performant. Je n'oublie naturellement pas les six autres gares RER, celles de Saint-Fargeau-Ponthierry et du Mée-sur-Seine, par exemple, toutes plus ou moins saturées.
Une partie non négligeable des 47 000 personnes qui fréquentent quotidiennement la gare de Melun quitte notre territoire, notamment en direction de Paris. Il faut que nous parvenions à inverser, au moins sensiblement, le phénomène. Nous y parviendrons à travers le développement économique et l'attractivité.
Melun Val de Seine deviendrait ainsi un centre d'activité ?
Oui, j'appelle d'ailleurs de mes vœux une vraie centralité. Je pense que notre territoire a la capacité d'assumer ce rôle en Île-de-France. Il est difficile d'exister en dehors de la capitale dont l'attraction est extrêmement forte. Cette position de notre communauté d'agglomération, dans la traîne de la ville monde, est intéressante, avec l'accès à des capacités importantes.
À moyen et long termes, Melun a, me semble-t-il, la capacité d'offrir cette nouvelle centralité au sud-est de l'Île-de-France, sans doute plus sûrement qu'Evry ou que Sénart, au gré d'une association de l'Histoire et de la géographie plus favorable.
Pour y parvenir, nous poussons la rénovation de notre existant. Nous avons la chance d'avoir ce territoire de Villaroche, très convoité, qui dispose d'un potentiel foncier de grande qualité. Il se développe autour de l'industrie et de l'aéronautique de façon privilégiée, mais accueille de nombreuses autres activités. Nous souhaitons que l'affectation du foncier privilégie une densité d'emploi forte, de l'ordre de 50 emplois à l'hectare.
À travers plusieurs opérations de requalification, nous continuons à mener, par ailleurs, la transformation du parc d'activité de Vaux-le-Pénil, engagée depuis une dizaine d'années. Cinq mille personnes y travaillent actuellement. L'installation de la fibre, favorisée par le Département, permet de mettre en place de nouveaux espaces de travail au centre de la zone. Un hôtel d'artisans, ouvert depuis deux ans, a déjà fait le plein.
Outre l'aéronautique à Villaroche, souhaitez-vous privilégier d'autres secteurs économiques ?
Depuis cinq ou six ans, nous avons choisi de développer les filières de l'innovation agroalimentaire. Premier constat, ce secteur vit une véritable révolution. Deuxième constat, dans un passé lointain, la richesse de Melun s'est forgée autour de la plaine de la Brie et de la production agricole. Ces arguments nous ont poussés à favoriser ce secteur porteur, avec quelques succès. De petites entreprises innovantes se sont déjà installées. Nous avons développé un partenariat avec le pôle de compétitivité Vitagora®. Chaque mois, ou presque, nous organisons un événement autour de l'agroalimentaire réunissant notamment les entreprises et les porteurs de projets.
Avez-vous d'autres priorités ?
Parmi nos priorités l'enseignement supérieur tient aussi une place importante. Il est encore très en retard à Melun, comme dans toute l'Île-de-France, hors Paris. C'est un vrai problème pour tout le Sud-Est francilien, Sénart compris. Sénart et Melun constituent un bassin de vie, avec quelque 250 000 habitants qui ne disposent que d'une seule filière BAC + 5, alors que, par exemple, Dijon en compte 17, pour une population à peu près équivalente.
Nous mesurons la difficulté de convaincre les décideurs publics d'installer sur nos territoires ces filières d'enseignement supérieur et les emplois qui leur sont souvent associés. À nos yeux, cela représente la contrepartie des logements que l'on nous demande de créer. Nous devons à présent être dans une logique de donnant-donnant avec l'État et la Région. Voilà une autre illustration de notre centralité.
Coworking et télétravail
En charge de l'emploi, Vincent Paul-Petit voit s'émanciper le coworking et le télétravail ; une façon de pallier partiellement les problèmes de mobilité : « Je suis tout à fait convaincu du développement des nouveaux modes de travail. Je vois l'importance croissante des centres de coworking et des bureaux partagés. Ils sont intermédiaires entre le travail à domicile et le travail en entreprise. Là encore, on mesure l'intérêt du développement de la fibre dans le département. Le travail à domicile se développe dès que les applications numériques disposent d'un débit suffisant. Il y a un lien direct. C'est une dimension du travail que nous cherchons à développer par le déploiement de la fibre et du haut débit dans l'ensemble des communes. Très en retard par rapport à ce qui se pratique dans d'autres pays européens, le travail à domicile est un vrai sujet parce qu'il ne nécessite ni espace disponible ni mobilité. C'est une opportunité à saisir dans nos territoires. »