Il est aujourd'hui possible de commander un bien ou un service, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Toutefois, ce luxe a un prix : celui de l'absence de protection sociale des travailleurs permettant cette offre et de leur précarité. Cette dernière est encore plus criante en période de crise sanitaire, où livreurs et autres chauffeurs sont fortement exposés au virus.
Encourager des mutations opportunes
« La crise sanitaire rend plus évident que jamais le besoin de protection de certains travailleurs mais la question du statut n'est pas l'essentiel. Plaquer le modèle du salariat sur des situations auxquelles il n'est pas adapté ne répondrait ni aux aspirations des travailleurs concernés, ni aux besoins de la société. Il importe plutôt d'encourager des mutations qui s'imposent à nous en renforçant la protection de l'ensemble des actifs », explique Michel Forissier, co-rapporteur (Les Républicains - Rhône).
Aux côtés des sénatrices Catherine Fournier (Union Centriste - Pas de Calais) et Frédérique Puissat (Les Républicains - Isère), l'élu s'est attaché à bien cerner l'ampleur du phénomène, qu'il considère comme révélateur de l'émergence de nouvelles formes de précarité, mais aussi comme créateur d'opportunités.
Depuis environ dix ans, on a vu se développer des plateformes dans de nombreux secteurs : mobilité (Uber, Kapten…), restauration (Deliverro, Brigad), travail freelance (Malt, Codeur), bricolage (Stootie, TaskRabbit), ou bien le nettoyage et la garde d'enfants (Helpling, Yoopies).
Universaliser la protection sociale
Ce rapport propose d'étendre aux travailleurs de plateformes certaines des garanties offertes aux salariés par le code du travail, notamment le principe de non-discrimination, l'obligation de motiver la rupture de la relation et le droit aux congés. Pour Frédérique Puissat, il faut prolonger la logique d'universalisation de la protection sociale, en étendant la généralisation de la complémentaire santé ou en rendant obligatoire l'assurance contre le risque d'accident.
Un autre axe vise à remettre à plat les règles de la micro-entreprise, qui a facilité la création d'activités indépendantes mais qui a pu conduire à solvabiliser artificiellement des activités peu créatrices de valeur.
Enfin, si les rapporteurs sont très réservés à l'égard des chartes de responsabilité sociale, le dialogue social et la construction d'une représentativité de ces travailleurs apparaissent comme une voie de régulation féconde. Pour Catherine Fournier, « l'enjeu est donc de parvenir à bâtir un cadre de représentation sans le calquer sur celui du salariat ».