AccueilDroit & chiffreProjet de décret : La sélection universitaire en master fait débat

Projet de décret : La sélection universitaire en master fait débat

Cet hiver, des étudiants titulaires d'un master I, refusés en master II, ont porté plainte et eu gain de cause devant le Conseil d'État. Cette polémique a réactivé la querelle entre partisans et opposants d'une organisation plus sélective des cursus universitaires. L'avis du Conseil d'État du 10 février dernier déclarant que la sélection en master II n'est pas légalement fondée, qui invite à sa suppression ou au vote d'un texte la consacrant, ravive le débat. Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur, tente d'apaiser les tensions avec un projet de décret.
Faculté de droit Panthéon-Assas
© Wikimedia Commons - Faculté de droit Panthéon-Assas

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L'avis rendu par le Conseil d'État explique qu'à l'heure actuelle, la sélection faite à l'entrée des masters ne repose sur aucune base légale car aucun décret d'application ne liste les masters concernés comme les modalités de sélection. Il s'agit donc plutôt d'un appel du pied au gouvernement afin qu'il mette de l'ordre dans la sélection déjà effectuée des étudiants. Il serait plus que temps de régler cette situation ubuesque afin d'éviter les contentieux qui se multiplient, opposant des étudiants, s'estimant injustement débouté de leur demande d'inscription en master, à l'État.
Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur, répond à cet appel et tente d'éclaircir le débat. Il vient de rédiger un projet de décret établissant la liste qui permettra de « sécuriser la situation des universités et des étudiants ». Il expliquait récemment à nos confrères de l'étudiant.fr : « Nous préparons un décret qui listera les formations de master II concernées. Et ce, en liaison avec la Conférence des présidents d'université, qui fera un inventaire précis des masters II qui, aujourd'hui, sont sélectifs. Il s'agit de se conformer à l'existant : nous n'irons ni plus loin ni moins loin. La sélection en master ne va ni augmenter ni diminuer. »
Interviewé le 13 avril sur RTL par Olivier Mazerolle, le secrétaire d'État a défendu sa ministre de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem, qui a qualifié, en séance à l'Assemblée nationale, cette sélection de « profondément rétrograde puisqu'elle s'oppose non seulement à la démocratisation, mais aussi au progrès ». Pour lui, « ses propos ont été déformés. En tout cas, elle est complètement d'accord avec le décret qui sera présenté prochainement. »
En réponse à cette défiance gouvernementale envers la sélection des étudiants en master II, les doyens des deux grandes universités parisiennes, Assas et la Sorbonne, ont signé une lettre ouverte (Le Monde du 5 mars) adressée à la ministre de l'Éducation nationale marquant leur souhait de « continuer à pouvoir sélectionner leurs étudiants de master II ».
Dans la foulée, la commission formation du Conseil national des barreaux (CNB) a fait part, deux jours après, de son inquiétude quant à la qualité de la formation des étudiants qui se destinent à la profession d'avocat s'il n'y avait plus de sélection à l'entrée des masters (lire encadré ci-dessous).
Pour William Martinet, président de l'Union nationale des étudiants de France (Unef), la sélection à l'entrée du master pourrait dévaloriser la licence et faire baisser le niveau de qualification des jeunes. Le syndicaliste soutient ainsi la position de la ministre Najat Vallaud-Belkacem, mais va plus loin encore. Pour lui, le projet de décret de Thierry Mandon « ne répond pas à la question fondamentale du droit, pour les étudiants, d'accéder à un master II après un master I » et établit « une liste de masters II sélectifs moins limitative que prévu ».


Point de vue de Camille Bisbarre, étudiante en master II de droit privé général à l'université Paris II Panthéon-Assas

« Je pense que la sélection sera maintenue car ça me paraît impossible qu'il en soit autrement, surtout en masterII de droit. Déjà parce que les enseignements ne sont pas du tout les mêmes que dans les autres cycles. On passe du grand cours magistral en amphi avec quelques TD, à des cours en petite classe avec les professeurs à l'écoute pour nous diriger dans l'écriture de nos mémoires. Après quatre ans en amphithéatre où on se bat pour gagner sa place, ça me paraît normal que la sélection soit maintenue pour la qualité du diplôme.

Cela ne me choque pas qu'il y ait une sélection au mérite. Au contraire, je trouve cela très bien. C'est un peu stressant mais nécessaire.
L'avis du Conseil d'État parle de toutes les disciplines. En ce qui concerne le droit, les critères de sélection sont simples et transparents, il s'agit des notes et des mentions qu'on a eues. Je n'ai pas eu de soucis avec ça. J'étais stressée par l'enjeu car c'était le master II de mes rêves, mais je ne me disais pas que ça allait être arbitraire. Ce n'est pas la décision du Conseil d'État qui me choque, car en soi c'est au gouvernement de prendre ses dispositions pour légaliser cette sélection, c'est plus ce que Najat Vallaud-Belkacem peut dire sur le sujet.

Je n'ai jamais eu l'impression qu'il y avait de l'injustice avec ce mode de sélection. Dans ma promo, nous avons tous à peu près le même niveau. Toutefois, mon master est assez particulier. Encore une fois, il faut distinguer les master II parce que certains sont beaucoup plus faciles à avoir que d'autres, surtout en droit. Même si c'est officieux, il y a certains master II plus faciles d'accès et d'autres où c'est beaucoup plus compliqué, cela dépend aussi du nombre de postulants.

La valorisation de mon diplôme m'importe peu finalement puisque j'aimerais devenir magistrat donc passer un concours. En revanche, pour mes amis qui se dirigent vers le barreau, ce ne serait vraiment pas juste d'avoir un diplôme que tous les étudiants peuvent avoir. Je me pose la question des embauches par la suite. Au-delà de la valorisation, je pense que sans sélection, l'apprentissage et la formation perdront en qualité. Dans les grandes facs comme Assas, c'est même infaisable. La suppression de la sélection en master aboutirait à utiliser des moyens détournés comme faire une licence très difficile à obtenir, ce que je trouve un peu ridicule. Le 10/20 d'aujourd'hui sera certainement un 15 demain afin de faire le tri en amont. »

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