Pouvez-vous nous expliquer les missions du Syndicat départemental des énergies de Seine-et-Marne ?
En France, les communes ont la responsabilité d'organiser au niveau local le service public de la distribution de l'électricité et du gaz, qu'il s'agisse de raccordements, de renforcements ou d'enfouissements des réseaux. Cette prérogative peut être exercée directement par la commune ou confiée à un syndicat. En Seine-et-Marne, le SDEM est donc la collectivité territoriale qui exerce cette mission d'électrification en lieu et place des communes. C'est notre cœur de métier. Les chantiers les plus emblématiques sont les enfouissements de réseaux. On en réalise plus de 80 par an. Mais pas seulement. Pour nos 438 communes adhérentes, nous contrôlons aussi les activités (exécutions budgétaires, investissements) des concessionnaires comme Enedis pour l'électricité et GRDF pour le gaz, ainsi que le montant de la Taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE) figurant sur la facture d'électricité des administrés. Nous gérons également l'éclairage public, rénovation, création et maintenance. On s'occupe du lancement des marchés, de la maîtrise d'œuvre, finançant les opérations à 50 % pour les communes qui nous versent la taxe. Le maire ne s'occupe de rien, si ce n'est de choisir son candélabre à notre showroom. Enfin, nous avons créé un système d'information géographique sur lequel le cadastre de 200 communes a été vectorisé. Il est mis à la disposition des villes et des établissements publics de coopération intercommunale. Ceux-ci peuvent utiliser ce logiciel pour réaliser leur propre couche, par exemple pour leur carte scolaire, leur cimetière ou leur Plan local d'urbanisme.
En représentant 438 communes vous devez être un acteur économique important en Seine-et-Marne ?
Oui en effet. Notre budget fonctionnement et investissement représente 70 millions d'euros. Nous sommes devenus un donneur d'ordre important principalement par les travaux que nous engageons, avec près de 40 millions d'euros d'investissements annuels. Au plan des financements, notre plus grosse ressource provient de la participation des communes à nos chantiers (20 millions d'euros), avec un pourcentage différent selon qu'elles sont rurales (- de 2 000 ha / 30 %) ou urbaines (+ de 2 000 ha / 70 %). Nous percevons également la Taxe communale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE), la participation d'Enedis à nos chantiers d'électrification et enfin des subventions de l'État via l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie).
Quelles sont vos actions concernant la transition énergétique ?
Nous sommes les coordinateurs de la transition énergétique au titre de la loi de 2015 relative à la Transition énergétique sur la croissance verte (TECV) qui désigne la région comme pilote et confère aux établissements publics de coopération intercommunale la compétence ; les syndicats d'énergie ont, quant à eux, pour mission (article 198) d'en coordonner les actions. De leur côté, et c'est regrettable, les départements ont complètement été squeezés par la loi.
Nous avons un service spécialisé dans le conseil en énergie pour les communes. Il procède au repérage des bâtiments les plus énergivores, à l'analyse de la facture énergétique, réalise des audits de ces édifices et donne ses préconisations aux maires, en accompagnant la commune pendant trois ans. Ce service Énergie achète également de l'électricité et du gaz en groupement de commandes, grâce à quoi, on arrive à réaliser des économies de l'ordre de 15 à 20 % sur la facture énergétique. Enfin, on accompagne les communes pour des études d'opportunités concernant l'éolien et le photovoltaïque. Les élus ont beaucoup de projets, mais ne souhaitent pas toujours en être porteurs car c'est compliqué à gérer pour le maire d'une petite commune. C'est bien notre mission que de se substituer à eux pour conduire ces projets, en faisant des propositions de solutions écologiques et rentables économiquement. En Seine-et-Marne, on a une difficulté particulière, une grande frilosité sur les éoliennes, alors que les départements voisins profitent de cette manne offerte. Un certain nombre d'élus s'y opposent alors que c'est pourtant un moyen de production d'énergie propre et très rentable pour les collectivités, les propriétaires de terrains ou les intercommunalités.
Quels sont les projets phares du SDESM aujourd'hui ?
Le SDESM a initié un projet innovant. C'est la première fois en France que l'on va
réaliser un méthaniseur à double filière, agricole et industrielle. La partie industrielle sera alimentée par des boues de stations d'épuration, des graisses, dont le digestat sera ensuite brûlé dans un four. Concernant la filière agricole, on aura des intrants propres et un digestat de qualité qui servira d'engrais par retour à la terre, dans une économie circulaire. Enfin, ces deux méthaniseurs côte à côte seront mutualisés pour épurer et injecter du bio gaz (énergie renouvelable) dans le réseau du gaz de ville. Aujourd'hui, on a obtenu les subventions de la région et de l'Ademe. C'est un projet de 14 à 15 millions d'euros. La première pierre devrait être posée en 2019 sur la commune de Dammarie-lès-Lys et la mise en route est prévue début 2020.
Nous avons également créé une Société d'économie mixte (SEM) constituée principalement du SDESM et de la Caisse des Dépôts. Elle aura comme objet la production d'énergies renouvelables, éoliennes, photovoltaïques, de créer des stations-service bio Gaz naturel véhicule (GNV) et des méthaniseurs. Basée à Melun, elle interviendra sur toute la Seine-et-Marne. Une fois l'étude commandée par le maire et étudiée par le SDESM, le projet sera transmis à cette Société d'économie mixte qui étudiera sa réalisation avec ses actionnaires. L'idée est d'aider les projets à se réaliser. Aujourd'hui, par exemple, dans le cas des éoliennes, vous avez un opérateur qui généralement contracte directement avec l'agriculteur et va voir le maire et la population en dernier ! C'est la meilleure manière de faire capoter un projet. Avec cette SEM, l'idée est de prendre les projets éoliens à leur source. C'est-à-dire, aller voir le maire de la commune concernée, sa population, définir le projet à partir du sentiment général, et même de faire participer les riverains au moyen du crowdfunding (économie participative). À partir du moment où les administrés participent financièrement au projet, l'adhésion est plus facile et le projet se réalise plus aisément.
Enfin, on prévoit de créer un deuxième réseau de bornes de recharges rapides pour les voitures électriques. Aujourd'hui, on a déjà installé 340 points de recharge en Seine-et-Marne. On projette d'en ajouter une trentaine à charges rapides pour l'itinérance, sur des axes beaucoup plus structurants et qui pourront recevoir tous les types de prises, en courant alternatif et en courant continu. On a bien évidemment sollicité l'Ademe pour participer à ce projet et sa réalisation va dépendre de sa participation financière.
Vous venez d'être désigné le Premier président du Pôle énergie en mars 2017, de quoi s'agit-il et quelles actions souhaitez-vous y impulser ?
La loi sur la transition énergétique a conféré à la Région une mission de chef de Pôle. Les départements étant oubliés par la loi TECV, il appartient donc aux régions et aux intercommunalités d'animer ces missions. Les syndicats d'Île-de-France se sont donc groupés à notre initiative pour pouvoir parler d'une voix plus forte. Pour l'instant, c'est une entente sans statut juridique qui a vocation à évoluer vers au moins une association. L'objectif est de mutualiser les compétences afin de pouvoir faire baisser les coûts, en devenant l'interlocuteur unique pour la Région et pour les concessionnaires comme Enedis et Orange. Car l'union fait la force, c'est bien connu et les enjeux sont importants. Nous avons des problématiques récurrentes et nous devons trouver des solutions ensemble.
La Région Île-de-France est assez particulière parce que très hétéroclite. Elle est constituée de départements petits en surface mais importants en population avec la petite couronne et Paris. À côté, il y a la Seine-et-Marne avec sa spécificité rurale, les Yvelines moitié urbaine, moitié rurale, l'Essonne rurale dans le Sud et assez urbanisée dans le Nord et le Val-d'Oise, plutôt urbanisé. De plus notre mission d'électrification est dotée de deux régimes, un régime urbain (plus de 2 000 habitants où Enedis gère le réseau basse tension) et un régime rural (moins de 2 000 habitants où le syndicat est le maître d'ouvrage). Alors forcément, nous avons des problématiques et des missions très différentes. On a des prérogatives, des objectifs et des compétences qui sont déclinés de manière très différenciée. En se regroupant, on pourra aussi épauler les départements dans le développement de leurs compétences et les faire monter en puissance.