AccueilDroit & chiffrePetr Drulák : « Les citoyens attendent de l'UE qu'elle les protège »

Petr Drulák : « Les citoyens attendent de l'UE qu'elle les protège »

Le maire de Fontainebleau, Frédéric Valletoux, a convié vendredi dernier Petr Drulák, ambassadeur de la République Tchèque en France, pour marquer le 60e anniversaire du traité de Rome. L'occasion de montrer que la défense de l'Union européenne ne doit pas être occultée par les échéances électorales.
Petr Drulák : « Les citoyens attendent de l'UE qu'elle les protège »

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En crise. C'est l'expression qui semble le mieux qualifier l'Union européenne à l'heure actuelle, accusée d'être à l'origine de tous les maux des citoyens du vieux continent. Ce constat n'est pas une fatalité pour Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau, qui a invité vendredi dernier Petr Drulák, ambassadeur de la République tchèque, et Christian Lequesne, professeur à Sciences Po Paris, pour une conférence intitulée « Soixante ans après le traité de Rome, nos espoirs pour l'Europe ». Dans une période où les pays fondateurs sont tentés d'installer une Europe à deux vitesses, Christian Lequesne, organisateur de conférence, a souhaité inviter un représentant d'une jeune nation européenne, devenue membre de l'Union il y a seulement dix ans.

Une union d'après-guerre fragile

Pour Petr Drulák, la signature du traité de Rome a été une « première étape très importante » de la construction européenne, ayant abouti trois ans plus tard au marché commun. En effet, dans les années 1950, cette construction commence dans une période sombre, où l'Europe est « faible, divisée, pleine de haine » au sortir de la Seconde Guerre mondiale. « Aujourd'hui, nous sommes souvent tentés de considérer nos problèmes comme extrêmement graves », rappelle l'ambassadeur, estimant que les Européens voyaient le passé comme une période idyllique. « Je pense que c'est faux, cette illusion, ces fantasmes historiques, sont dangereux », prévient-il, précisant que ce comportement détourne les Européens des défis auxquels ils doivent faire face. Le terrorisme, l'instabilité des pays avoisinant l'UE, les menaces venant de la Russie, la croissance chinoise, le Brexit ou encore « l'instabilité du président Trump » sont autant de problèmes qu'il faut affronter sans détours.

Pour Petr Drulák, se retourner vers l'Europe des pays fondateurs n'est pas une solution, et nous ne pourrons pas « avoir raison de ces défis en devenant plus petits, plus faibles ».

Reconstruire un état d'esprit européen

L'Union européenne n'est donc pas seulement une réalité historique, institutionnelle, géographique. Elle exprime un véritable « état d'esprit », plutôt que des valeurs, qui sont « souvent présentées comme quelque chose de figé ». Au contraire, pour Petr Drulák, cet état d'esprit européen doit être un dialogue permanent, toujours en mouvement, grâce auquel la diversité des nations européennes se transforme en unité européenne. Il s'agit d'un « processus lent et lourd » mais avant tout d'un processus de dialogue, qui doit donner naissance à une « confiance mutuelle » qui ne peut souffrir de raccourcis.

Ce processus est pourtant essentiel selon Petr Drulák, si l'on se réfère à l'histoire récente. C'est notamment le cas des politiques d'austérité, « imposées aux pays d'Europe méridionale » sans tenir compte de leurs besoins en termes de croissance économique. Même constat s'agissant de la « politique des frontières ouvertes », que l'on a également tenté « d'imposer » aux pays d'Europe centrale et orientale « sans égard pour les accords de Schengen », et sans dialogue. Si Petr Drulák est persuadé que ces politiques ont pu être « menées de bonne foi », elles ont cependant « ébranlé la confiance des citoyens envers l'UE ». Pour lui, les citoyens attendent que l'Union les protège, non qu'elle les menace. Or, selon l'ambassadeur, ces décisions « ont endommagé l'esprit européen, en particulier en Europe méridionale et centrale ».

Un déficit de confiance

« Il y a 60 ans que nos pères fondateurs ont créé les institutions européennes et aujourd'hui, il nous faut continuer cette tâche qui est à la fois noble et nécessaire ». De fait, l'UE doit considérer le fait que le plus grand péril « vient non pas de dehors, mais de dedans ». Les citoyens européens « perdent confiance dans les institutions qui garantissent la vie démocratique », qu'il s'agisse des institutions étatiques, européennes, des partis politiques traditionnels, ou encore des médias. Mais aucune réponse ne sera satisfaisante sans y inclure l'UE, selon Petr Drulák. Si les débuts de la construction de l'union ont répondu aux premiers enjeux de paix européenne, ce n'est plus aujourd'hui le cas, selon l'ambassadeur de la Tchéquie. « Ce qui est en jeu c'est la croissance économique inégale qui sépare les pays les plus riches du reste de l'Union, c'est aussi le défi des guerres dans notre voisinage ». Des guerres « souvent enflammées à cause de notre complicité, Français et Tchèques », concède Petr Drulák.

Par conséquent, il est essentiel de « renforcer l'Europe sociale, l'Europe des convergences, l'Europe de défense qui sait protéger ses frontières et stabiliser son voisinage ». Et Petr Drulák de conclure « toutes ces initiatives doivent être prises dans un esprit européen, de sorte que nous soyons plus forts et plus unis qu'aujourd'hui et non pas aussi faibles et divisés qu'hier ».

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