Pouvez-vous nous résumer l'état de l'activité économique dans le département ?
Nous enregistrons tout d'abord une certaine reprise du bâtiment et des travaux publics, ce qui est un très bon signe.
Le BTP fait pourtant toujours face aux auto-entrepreneurs. Pour nous, le législateur s'est arrêté au milieu du gué. La démarche d'aubaine s'est trop souvent transformée en concurrence déloyale. L'auto-entreprise est très impactante dans ce secteur qui a besoin de beaucoup de main-d'œuvre et qui est créateur d'emplois.
Toujours côté activité, l'accès au crédit pour les PME s'améliore. L'horizon se dégage donc progressivement, avec un bémol néanmoins : l'année électorale, généralement marquée par l'attentisme, pourrait ternir cette dynamique bien orientée, d'autant plus que l'issue du scrutin est particulièrement indécise cette année.
L'accès au crédit reste-t-il un réel problème pour beaucoup de TPE et de PME ?
Même si les choses s'améliorent actuellement, les TPE et les PME éprouvent toujours des difficultés à se financer. En fait, les petites structures affrontent une sorte de double peine : d'une part la raréfaction des crédits et d'autre part le faible niveau des emprunts… Ces demandes ne sont généralement pas dans les premiers cercles de business des banques.
En 2008, quand je suis arrivé à la CPME 77, j'ai proposé à son président, Jean-Pierre Hubert, de tenter des opérations de crowdfunding sur le département. Il était trop tôt, la réglementation bancaire ne le permettait pas. Depuis la loi Macron, la législation s'est assouplie. Nous organisons traditionnellement une conférence en juin. Il y a trois ans, j'ai fait intervenir un courtier sur ces problèmes de financement pour trouver des solutions et, il y a deux ans, nous avons invité Prêtgo, une plateforme de crowdfunding avec laquelle nous avons signé une convention. J'ai depuis toujours une appétence particulière pour la nouvelle économie et les business angels.
Des mesures annoncées par certains candidats pourraient-elles avoir une influence sur cette amélioration du climat général des affaires ?
Oui, bien sûr. Dans les programmes des candidats, certaines mesures risquent d'impacter le comportement des chefs d'entreprise. Par exemple, du côté des business angels, le prélèvement à la source est un frein important aux optimisations fiscales. À ce sujet, la CPME vient de publier 89 propositions des TPE-PME à l'intention des candidats à la Présidentielle.
PRÉSIDENTIELLE
La CPME publie 89 propositions pour les TPE-PME
Comme le souligne la confédération « le livret “89 propositions pour les TPE-PME - 5 ans pour agir” dessine un projet cohérent et ambitieux. Loin des polémiques et des querelles de clochers, nos propositions ne sont pas catégorielles. Elles rejoignent l'intérêt général ».
L'impact des inondations a également été très pénalisant pour le département…
Les agriculteurs ne font pas partie de notre confédération. La CPME est néanmoins proche de la FDSEA 77 d'Arnaud Rousseau. Il est vrai que la situation est très difficile pour eux après une récolte désastreuse.
Si les agriculteurs ne sont pas à la CPME, quels sont vos principaux adhérents ?
Hormis les agriculteurs et les concessionnaires automobiles, la plupart des branches sont représentées à la CPME. Nous sommes le syndicat interpatronal le plus important de Seine-et-Marne. Nous revendiquons plus de 500 membres. Nous ne devons pas pour autant nous en féliciter puisque le département compte quelque 40 000 entreprises. On peut d'ailleurs se demander pourquoi nous ne parvenons pas à concerner davantage d'entrepreneurs. Le syndicalisme patronal n'attire plus, à l'instar du syndicalisme salarial, d'ailleurs. Il n'y a en France que 8 % des salariés syndiqués. Nous sommes concurrencés par des clubs d'entreprises, souvent monosecteur, l'informatique par exemple. La CPME est de son côté très hétérogène. Nous devons être capables de répondre aux préoccupations d'un chauffeur de taxi, d'un boulanger, d'un garagiste… Nous avons un peu la multifonctionnalité d'un couteau suisse. Malgré tout, nous restons au niveau des deux syndicats porteurs de mandats, ce qui fait notre légitimité sur le territoire.
Vous êtes également en concurrence directe avec le Medef 77 ?
Nous sommes concurrents, mais nous menons également des actions communes, en partenariat avec la Chambre de commerce et d'industrie et le club international des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). Nous travaillons ensemble sur l'attractivité du territoire.
Quels liens entretenez-vous avec les adhérents de la CPME ?
Pour dynamiser les relations entre nos adhérents, nous mettons sur pied beaucoup de commissions, sur le travail, sur l'emploi, le financement, le digital. En partant du principe que le président ne peut pas être partout, j'ai également nommé des “ambassadeurs”, un par circonscription, qui permettent le maillage du territoire, en facilitant les rapports avec les entreprises et les institutions. Quant à la communication, nous publions un “fil rouge” par mail, chaque mardi. Nos adhérents accèdent à cette web news par des liens FTP.
Le territoire seine-et-marnais est un département atypique…
La Seine-et-Marne est à la fois très étendue et particulièrement complexe. La partie du territoire à proximité de Paris, jusqu'à la N104 et Marne-la-Vallée, avec le hub TGV, est vraiment intégrée à la dynamique du Grand Paris. En revanche, le Nord-Est du département, à partir de Meaux et jusqu'à Provins est totalement oublié. Melun, la préfecture, subit la même peine. Qui plus est, la Seine-et-Marne devient de plus en plus un département dortoir, au détriment de l'activité. Nous savons que l'implantation d'entreprises est favorable au développement du tissu social. Au fil du temps, on voit s'ouvrir de nouveaux commerces, une nouvelle section de maternelle… C'est tout un écosystème qui se met en place et irrigue la zone.
Quels sont vos principaux axes de travail ?
En fin d'année dernière, nous nous sommes penchés sur la représentativité au niveau de la CCI. Le sujet est complexe. Il faut garantir la parité homme-femme, et réfléchir selon les secteurs, les entreprises. C'est Dominique Mockax (vice-président commerce, ndlr) qui a pris ce travail en charge pour la CPME.
Cette année, nous analysons également les problèmes qu'affronte le tribunal des Prud'hommes, notamment de Meaux (lire encadré), en lien avec nos confrères du Medef, afin de redéfinir le collège employeurs. Par ailleurs, la CPME reste impliquée dans la défense des entreprises qui demandent un accompagnement et un soutien.
Nous voulons aussi montrer qu'il n'y a pas que le BTP et l'agroalimentaire dans notre département. Il y a également beaucoup d'industries et de belles pépinières qui portent le développement du territoire.
Les chefs d'entreprise ont-ils, plus que jamais, besoin de ce soutien concret et même psychologique ?
La CPME 77 est à l'origine de l'APESA, la cellule psychologique qui accompagne les entrepreneurs en difficulté, notamment ceux qui affrontent un dépôt de bilan. Tout le monde a rejoint cette initiative, de la Chambre de commerce et d'industrie au tribunal de commerce… Nous travaillons également avec 60 000 Rebonds pour aider les entrepreneurs à se relancer. Aux États-Unis, on dit qu'il faut trois faillites pour faire un bon manager. En France, le chef d'entreprise a beaucoup de mal à rebondir après un échec.
Qu'en est-il du taux de radiations évoqué par François Asselin lors de sa venue en Seine-et-Marne ?
Fin juillet 2016, le taux de radiation en Seine-et-Marne était de 12 %, ce qui est particulièrement élevé comparé aux 4 % en Île-de-France. Les raisons de ces dépôts de bilan sont principalement liées à une réduction des fonds propres et une concurrence de plus en plus vive.
Que se passe-t-il aux Prud'hommes de Meaux ?
Force ouvrière dénonçait dernièrement « des délais de jugement élastiques » au tribunal des prud'hommes de Meaux. Selon le syndicat, les délais sont si longs à la section commerce « qu'une quinzaine d'avocats a assigné l'État pour déni de justice dans 139 affaires en souffrance. » La juridiction enregistrerait actuellement quelque 18 mois de retard sur le traitement des affaires. Des conditions difficilement supportables pour des salariés qui demandent justice.
Pour Patrick Renault, « le principal problème est notamment lié au renouvellement du collège employeurs avec des mandats initiaux de cinq ans qui sont presque doublés, faute de vocation dans les rangs des chefs d'entreprise. Le collège salarié est plutôt stable ». Une réforme est sans doute nécessaire. Parmi les pistes, le président de la CPME Seine-et-Marne suggère « un rapprochement entre le tribunal des prud'hommes et le tribunal de commerce. À un moment où l'évolution de l'entreprise est extrêmement rapide, les institutions de défense des salariés et des employeurs doivent emboîter le pas et progresser aussi rapidement. Voilà le cœur du problème. »