Affiches Parisiennes : Pouvez-vous présenter vos parcours respectifs et l'Agence juridique dont vous êtes les co-fondateurs ?
Jérémy Maarek : Nathan et moi sommes cousins germains. Nous avons suivi le même cursus scolaire et les mêmes études d'expertise comptable. Nous avons ensuite travaillé dans des cabinets d'expertise comptable et de commissariat aux comptes. Dans nos structures respectives, nous avons remarqué que le processus de création d'entreprise était souvent long. Nous avons donc identifié ce besoin des créateurs d'entreprise de disposer le plus rapidement possible de leur Kbis. Nous nous sommes ainsi positionnés sur internet avec une legaltech spécialisée dans les démarches administratives de création.
A.-P. : Dans quels cabinets avez-vous exercés ?
Nathan Rothman : J'ai travaillé deux ans chez Deloitte avant de devenir consultant pour des sociétés comme le Crédit agricole, Graff Neck et Samsung.
J. M. : J'ai également été consultant dans plusieurs entreprises, notamment chez IMG, une société américaine spécialisée dans le sport et l'événementiel, chez Leclerc, puis dans un cabinet d'expertise-comptable de taille humaine où j'ai passé trois ans et demi.
N. R. : En 2012, nous étions tous les deux en cabinets quand nous avons voulu tester le marché, avant même la création de Legastart. Malheureusement, nous ne pouvions pas nous y consacrer à temps plein. Nous souhaitions, en priorité, terminer notre stage d'expertise comptable et de commissariat aux comptes.
A.-P. : Comment est venue l'idée de ce service aux entreprises ?
J. M. : Je travaillais en cabinet depuis un an sur la création d'entreprises et les méthodes restaient, à mon sens, très archaïques, 100 % papier. La secrétaire juridique ne voulait pas taper les statuts et faire les formalités sous Word. Elle multipliait les coquilles avec un temps de traitement interminable. Nous avons alors eu cette idée de lancer la génération automatique de documents sur internet, à destination des TPE et des PME.
N. R. : Nous étions donc des pionniers. Malheureusement, nous n'avons pas eu l'opportunité de développer réellement ce service à ce moment-là. L'Américain legalzoom était déjà bien implanté outre-Atlantique… Nous nous en sommes partiellement inspirés. Nous accélérons les démarches administratives lors de la création d'une société en accompagnant les entrepreneurs de leur projet de création jusqu'à l'obtention du Kbis. Nous les orientons également vers les banques en leur établissant tableau de bord et business plan…
Nous sommes concrètement arrivés sur le marché fin 2015. Il nous a fallu environ un an pour développer notre plateforme et plusieurs mois pour tester les services.
A.-P. : Aujourd'hui, vous êtes pleinement entrepreneurs et vous n'êtes pas inscrits à l'Ordre des experts-comptables…
N. R. : Nous pensons que notre génération s'inspire du modèle en ligne. Dans les années à venir, à travers la recherche de la rapidité et du prix des formalités, de plus en plus d'entrepreneurs vont créer et modifier leur entreprise directement en ligne, sans avoir recours à un expert-comptable ou à un avocat. Il y a un vrai marché qui se développe.
J. M. : Tous les ans, l'intervention des experts-comptables et des avocats diminue dans la création d'entreprises. C'est nous qui prenons le relais. Notre service est plus simple, plus rapide et moins cher. Nous proposons des documents de qualité. Beaucoup de créateurs qui travaillent avec nous ont entre 30 et 40 ans. Ils apprécient particulièrement ce modèle. Ils sont à la recherche d'un bas coût et n'ont pas spécialement envie d'aller passer des heures chez l'expert-comptable. Ils préfèrent remplir tranquillement les formulaires en ligne et tout recevoir, directement, sans avoir à se déplacer.
N. R. : Aujourd'hui, plus de 90 % des créateurs d'entreprise qui ont recours à nos services recherchent des statuts standards d'EURL, SASU, SCI… Ne souhaitant pas de clauses particulières et personnalisées, ils ne voient pas l'intérêt de confier leur création d'entreprise à un expert-comptable ou à un avocat.
A.-P. : En revanche, vous ne proposez pas de conseil juridique ?
J. M. : Non, aucun. Nous n'avons pas le droit de faire du conseil. D'ailleurs, ce n'est pas notre modèle économique.
N. R. : Si l'un de nos clients souhaite un conseil, nous l'orientons, selon la demande, vers un expert-comptable ou vers un avocat partenaire, en l'occurrence le cabinet Wilegal, avec lequel nous travaillons en parfaite collaboration. Nous sommes donc une legaltech qui coopère avec les professions réglementées.
A.-P. : Vous avez évoqué l'établissement de business plans pour le compte de vos clients…
J. M. : S'il le souhaite, nous pouvons en effet aider le créateur d'entreprise à élaborer son business plan.
N. R. : Sur une vingtaine de pages, nous lui livrons les indicateurs financiers essentiels, le compte de résultats, la CAF, le seuil de rentabilité, la partie décaissement, la trésorerie… Nous établissons un business plan complet qui permet au créateur d'entreprise d'ouvrir un compte bancaire ou de trouver un financement. Nous avons aussi la possibilité de l'orienter vers des courtiers partenaires. Nous avons également des banques partenaires comme Fiducial ou la Société générale. En revanche, nous ne présentons pas les dossiers. Nous ne faisons que la mise en relation. C'est ensuite au créateur d'entreprise de défendre son projet.
Dans un premier temps, le client remplit un formulaire avec les informations concernant son entreprise, ses estimations. Dans un deuxième temps, nous nous entretenons avec lui pour en savoir un peu plus sur son projet et dans un troisième temps, nous achetons des comptes de résultats de ses concurrents, intervenant dans le même secteur géographique.
J. M. : Nous disposons également des chiffres de l'Insee et de taux de marge par secteur d'activité permettant d'avoir une première approche sur la cohérence d'un projet. Ce qui permet au créateur d'entreprise de revoir ses ambitions ou de changer de stratégie commerciale. Nous essayons de l'orienter pour que le business plan soit le plus présentable possible.
N. R. : Nous avons plusieurs entretiens avec le créateur d'entreprise. Nous avons même des organismes comme l'Adie (l'Association pour le droit à l'initiative économique, ndlr) qui nous recommande. Nous avons également un partenariat avec le groupe Entreprendre.
Si le projet du client n'est pas délirant, s'il respecte certains critères, comme avoir au moins 25 % d'apports, nous mettons tout en œuvre pour qu'il obtienne son crédit.
J. M. : Pour le business plan, notre accompagnement ne se borne pas à l'ouverture du compte bancaire. Il y a également l'éventuelle intervention d'investisseurs et l'établissement du tableau de bord pour le dirigeant. Parfois, partir tête baissée dans une activité complexe, sans avoir d'objectifs de chiffre d'affaires, de résultats, de marge… peut être très périlleux. Nous essayons donc de l'orienter vers les bons choix.
nous allons avoir un total de 3000 à 4000 clients. » Nathan Rothman
A.-P. : Ce service que vous proposez a un coût pour l'entrepreneur qui se lance ?
J. M. : Le business plan est facturé 249 euros hors taxes, ce qui est plutôt raisonnable par rapport au travail accompli. Nous essayons toujours de démocratiser la création d'entreprises et de proposer des services de qualité à un coût plus réduit.
A. P. : Avez-vous concrétisé des partenariats avec des institutionnels ?
N. R. : Oui, nous collaborons par exemple avec la CCI du Maroc qui dirige vers nous des entrepreneurs marocains qui veulent créer leur structure en France. Nous avons également un partenariat avec BSA Shop, spécialisée dans la nutrition des sportifs. Nous avons ouvert avec eux 27 boutique en France.
J. M. : Nous travaillons aussi beaucoup avec Vapostore qui multiplie les points de vente. Ces réseaux de franchise nous confient les business plans et les créations d'entreprises de tous leurs franchisés. Nous avons même fait une conférence d'information pour l'accompagnement de tous les nouveaux franchisés.
A.-P. : Concernant la création d'entreprises, quelles sont vos performances en termes de temps pour l'obtention d'un Kbis ?
J. M. : Pour la création d'entreprises, dans toute la France, il faut une dizaine de minutes pour remplir le formulaire en ligne. Une fois que le créateur a ouvert un compte bancaire et signé les statuts de la société, notre équipe obtient le Kbis en 48 heures. Pour la partie business plan, nous avons un entretien d'environ une demi-heure après commande, après quoi nous élaborons le business plan et une petite analyse sectorielle en une demi-journée. Nous présentons le tout au client en effectuant des modifications jusqu'à ce qu'il soit pleinement satisfait. Avec cette façon d'intervenir, nous fidélisons nos clients qui reviennent vers nous pour toutes les modifications liées à l'entreprise, changement d'adresse, de gérant…
A.-P. : Comment voyez-vous les autres legaltechs. Est-ce pour vous une concurrence qui va perdurer ?
J. M. : Comme il n'y a pas de barrière à l'entrée, il y a beaucoup de legaltech qui arrivent sur la toile, mais qui repartent rapidement, parce qu'il faut beaucoup de fonds pour monter et faire fonctionner une plateforme. Les acteurs qui durent sont ceux qui sont présents depuis plusieurs années. À mon avis, à terme, nous resteront trois ou quatre sur le marché. Les coûts de promotion sont trop importants pour ceux qui arrivent aujourd'hui.
En termes de concurrence, nous avons l'avantage d'être spécialisés pour chaque métier, notamment ceux soumis à un agrément ou une autorisation, comme la sécurité, avec le CNAPS, le transport de marchandises, avec le Cerfa, les VTC avec l'octroi du macaron, ou les agents immobiliers avec la carte T. Nous apportons aux créateurs une expertise sectorielle. Par rapport à d'autres legaltech, nous allons donc bien au-delà du Kbis. Nous générons de plus en plus de documents pour que nos clients puissent disposer de l'ensemble des pièces administratives indispensables à leur exercice.
A.-P. : Comment progresse votre activité ?
N. R. : Notre chiffre d'affaires est en forte croissance. Nous devrions prendre en charge entre 1 500 et 2 000 créations d'entreprise cette année. En 2018, avec les partenariats que nous sommes en train de nouer, nous allons avoir un total de 3 000 à 4 000 clients, avec les modifications d'entreprises et les liquidations que nous développons actuellement. Notre objectif est clairement de doubler notre chiffre d'affaires chaque année.