Baignant dans l'artisanat depuis toujours, elle s'est rapidement dirigée vers cette spécialité, intégrant le CFA de l'ameublement “La Bonne Graine“ dans le 11e arrondissement de Paris. C'est à la suite d'une expérience acquise auprès d'employeurs parisiens qu'elle a fait le choix de rejoindre son père ébéniste et sa sœur tapissier en créant “L'atelier de Dorure“ en 2012. Aujourd'hui présidente déléguée de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Chelles/Marne-la-Vallée, Meggie Garcelon est aussi cofondatrice de l'association Germaine et ses copines, constituée pour organiser chaque année le salon des Femmes entrepreneures et faire la promotion de ses membres. Cette Chelloise nous fait aussi découvrir les arcanes de son métier, entre restauration de décors au sein de maisons parisiennes prestigieuses et lancement d'une activité d'artisan.
L'artisanat a-t-il toujours été une vocation ?
Mes proches étant également artisans, cela s'est fait naturellement. Concernant l'image de l'apprentissage, comme aujourd'hui, cette voie n'était pas perçue à sa juste valeur. Mes professeurs souhaitaient me pousser à passer le bac, mes notes étant bonnes, mais ce n'était pas mon souhait. Je n'ai jamais rencontré le conseiller d'orientation. Je me souviens, lors du passage au lycée, que la directrice du collège avait fait mon dossier et indiqué en premier choix la filière générale. Ce n'était pas du tout ce que je souhaitais. Je n'en ai fait qu'à ma tête ! J'ai finalement pu visiter l'école où mes frères et mes sœurs allaient et j'ai également trouvé un patron.
Il ne me restait plus qu'à me lancer !
Du côté familial, j'ai eu constamment du soutien. Il faut dire que mon père a toujours été dans l'artisanat (Michel Garcelon est ébéniste au sein de locaux mitoyens, NDLR).
Ses enfants ont suivi ce mouvement. Ce qui comptait avant tout pour mes parents, c'était de nous voir travailler, peu importe le niveau d'étude. Pour mon père, ne rien faire était impensable. Et ma mère nous a également laissé le choix. Plus jeune, elle souhaitait devenir fleuriste et sa famille, sur les conseils des professeurs de l'époque, n'a jamais voulu la laisser faire. Elle a toujours eu des regrets à ce niveau et ne voulait surtout pas que nous vivions la même frustration.
La création de “L'atelier de Dorure“ est-elle venue naturellement ?
Oui, j'imaginais déjà me mettre à mon compte depuis petite. J'avais aussi la crainte que ce lieu, que mon arrière-grand-mère avait acquis, ne disparaisse après le départ de mes parents.
Vos clients sont-ils essentiellement issus de la capitale ?
Je travaille en effet en majorité avec des professionnels, notamment situés à Paris : des galeries d'art, des restaurateurs de tableaux, des encadreurs, des antiquaires, des collectionneurs… Il existe aussi des maisons parisiennes qui nécessitent des restauration de dorures, notamment au niveau des plafonds. J'interviens alors en tant que sous-traitante dans des magasins, des ambassades, des consulats ou encore des hôtels de luxe. J'ai notamment œuvré au sein des locaux de LaDurée-Champs-Elysées et Madeleine, Tiffany & Co et de l'ambassade des Etats-Unis. Mais je travaille aussi avec des particuliers, notamment des Seine et Marnais.
Comment se déroule votre activité d'artisan ?
Outre une activité de création, l'essentiel de mon travail tourne autour de la restauration d'objets en bois doré. Cadres, miroirs, baromètres, consoles, trumeaux, canapés, fauteuils ou encore statuettes sont d'abord préparés, avec une série de couches (dites d'apprêt) composées de blanc de Meudon et de colle de peau de lapin. Je procède ensuite à l'étape de la dorure, qui consiste à apposer de feuilles d'or (de 23 carats en général). Ce moment est souvent jugé comme le plus spectaculaire, le plus agréable à regarder. Et les non-initiés sont souvent surpris de découvrir qu'il s'agit réellement d'or et non pas d'une imitation.
Pourquoi avoir créé “Germaine et ses copines : L'association des femmes entrepreneures” ?
Après mon installation au sein de l'atelier à Chelles en 2012, j'ai vite constaté qu'il était difficile de se faire connaître et de trouver des clients. J'ai dû concentrer à nouveau mon activité sur Paris, au détriment de l'atelier chellois. J'ai alors eu l'idée d'organiser un salon afin de faire connaître nos savoir-faire et de gagner en visibilité. Ma sœur Mélanie, tapissier, a rapidement adhéré à ce projet. Le maire de Chelles, Brice Rabaste, nous a encouragé et nous avons pu organiser le premier salon des Femmes entrepreneures en 2015.
Pour pouvoir réitérer l'événement en 2016, puis en 2017 plus sereinement, la mairie nous a suggéré de créer une structure. C'est pourquoi nous avons fondé l'association Germaine et ses copines en décembre 2015. D'abord ouvertes uniquement aux artisanes d'art chelloises, nous avons ensuite élargi l'adhésion aux villes environnantes et aux secteurs des services, du bien-être et du commerce. Nous sommes actuellement une quarantaine. Outre l'organisation d'un salon annuel, nous essayons de promouvoir nos membres à travers les réseaux sociaux. Nos flyers contiennent aussi nos coordonnées, ce qui nous permet de proposer toute une palette de services.
L'adhésion est-elle limitée ?
Nous accueillons principalement des femmes du Nord Seine-et-Marne, qui viennent de se lancer à leur compte et souhaitent développer petit à petit leur atelier, se faire connaître. Quand on commence, on ne sait pas toujours comment s'y prendre et les stands sur les salons habituels sont assez chers. Ce premier pas au niveau local nous permet de nous accoutumer.
D'où vient le nom de l'association ?
Il est vrai que ce nom peut prêter à sourire. J'avais au départ organisé un sondage pour trouver un intitulé qui nous corresponde. Des noms plutôt “sérieux” sont tombés, ce qui ne collait pas réellement à notre collectif. Nous sommes bien sûr sérieuses dans l'exercice de nos fonctions, mais l'association est avant tout conviviale. Lors de l'enregistrement, les noms “sérieux”
existant déjà à l'étranger, “Germaine et ses copines“ s'est finalement imposé. Il s'agissait du surnom de notre arrière-grand-mère. Germaine a élevé son fils quasiment toute seule en 1920, créé son activité de ses propres mains et nous a légué l'atelier où nous travaillons aujourd'hui, qu'elle avait réussi à acheter. C'était une vraie battante, une travailleuse assidue. Elle incarne donc très bien ce que nous voulons représenter.
Pourquoi n'avez-vous pas souhaité intégrer une association existante ?
Au départ, je m'étais rapprochée de l'Association des artisans de Chelles. Mon père avait aussi présidé cette structure, mais je ne me suis pas retrouvée dans le groupe, composé essentiellement d'hommes et d'artisans du BTP, qui emploient des salariés. Je ne me voyais pas m'intégrer facilement, étant également mère de famille. Peut-être à tort, car je me rends compte aujourd'hui en discutant avec certains hommes artisans que nous avons les mêmes contraintes.
Mais je n'avais pas osé franchir ce pas à l'époque.
Aussi, je tiens à préciser que nous n'avons pas créé l'association entre femmes par féminisme ou par sexisme. Cela s'est fait naturellement, la plupart des adhérentes sont des mères et jonglent entre leur vie de famille et leur travail. Par ce biais, nous nous comprenons et nous nous soutenons mutuellement. Nous sommes simples et naturelles dans notre approche, mais sérieuses et exigeantes dans notre travail.
Vous êtes également présidente déléguée du territoire de Chelles/Marne-la-Vallée à la Chambre des métiers…
Lancer un tel salon démontre une certaine capacité à rassembler, à s'engager et à recruter des membres avec exigence. Les personnes ayant ce profil sont recherchées par la Chambre. La présidente Elisabeth Détry m'a demandé de la rejoindre avant sa réélection et j'ai accepté. Il fallait aussi des élus pour représenter la Seine-et-Marne au niveau régional, j'ai donc intégré la Commission des métiers d'art de la Chambre régionale des métiers et de l'artisanat Île-de-France.
Que pensez-vous des annonces récentes concernant l'apprentissage ?
Il me semble que cela ne va traiter qu'une partie du problème seulement. Il faudrait revenir aux bases, le travail est à faire au niveau de l'Education nationale. L'état d'esprit des professeurs vis-à-vis de l'apprentissage n'est pas bon et cela nous cause du tort. Après avoir suivi une période d'apprentissage de 15 à 18 ans, je suis sortie diplômée et j'ai eu très rapidement un emploi. C'est le cas pour la plupart des artisans, contrairement aux personnes ayant seulement diplômées du bac. Nous sommes souvent dénigrés, mais nous aimons notre métier, c'est une passion la plupart du temps. L'artisanat nécessite autant d'exigence, voire plus, que pour d'autres métiers.
Donc, les mesures annoncées sont une chose, mais concrètement, est-ce qu'un vrai lien sera tissé entre l'artisanat et l'Education nationale ? Les professeurs vont-ils réellement s'impliquer et venir à la découverte de nos métiers ?
Estimez-vous que vos contraintes sont connues du grand public ?
Elles ne sont pas connues du tout. Les gens ne conçoivent pas tout ce que notre statut d'indépendant implique. Il faut savoir rester serein, rien ne nous garantit que nous ayons du travail. En six ans, je n'ai jamais eu les mêmes cycles d'activité. C'est d'ailleurs le cas surtout dans les métiers d'art. Et cette inconstance implique d'être organisé, gérer cela n'est pas facile. L'artisan est véritablement un “homme-orchestre”, comme l'a indiqué Elisabeth Détry (Moniteur de Seine-et-Marne 2017 n°24, NDLR).
Les particuliers n'ont souvent pas conscience de tout le travail à fournir et du temps que cela prend. Le prix peut également surprendre et il faut régulièrement réexpliquer tout cela. C'est aussi à nous de trouver un équilibre et de rester zen dans la gestion de toutes ces contraintes.
Comment va évoluer l'association ?
Nous devons en discuter à la rentrée, rien n'est encore fixé. Nous pourrions organiser des conférences dédiées, avec des sessions “métier d'art“, “bien-être“. Il s'agirait de faire découvrir nos métiers, d'apprendre par exemple au public à reconnaître un cadre travaillé avec de l'or pour ne pas se faire escroquer, et continuer les salons.
Allez-vous accueillir de nouvelles recrues ?
Je peux déjà indiquer que nous aurons de nouvelles adhérentes en fin d'année. Nous ne limitons pas leur nombre, mais nous souhaitons simplement qu'elles comprennent qu'elles intègrent une équipe. Ce qui implique de mettre en avant nos différents talents et d'être une vraie professionnelle, dynamique et volontaire. Il est toujours très motivant d'accueillir de nouvelles recrues qui se lancent.