Ainsi, pour la présentation du bilan et du compte de résultat, les entreprises doivent respecter les obligations déclaratives prévues par les règles fiscales, à savoir que le modèle simplifié n’est applicable qu’à des entreprises ne dépassant pas des seuils largement inférieurs à ceux fixés au plan comptable (4).
Pour la dispense d’établissement de l’annexe, cette simplification pourrait s’avérer être dangereuse, car il et toujours utile d’avoir un guide de lecture concis et synthétique, comprenant aussi certains détails de comptes, afin d’assurer lisibilité, compréhension et comparaison des informations financières.
En ce qui concerne l’option de confidentialité lors du dépôt des comptes annuels, un décret d’application doit être publié afin de donner les précisions utiles pour la mise en œuvre de cette possibilité, et elle ne s’appliquera pour la première fois qu’aux comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2013, sans possibilité d’application pour les comptes des années antérieures qui n’auraient pas été déposés et pour lesquels certains greffiers des tribunaux opèrent des relances et procédures tous azimuts.
Autrement dit, on peut douter que ces dispositions puissent créer un réel élan de compréhension de la simplification des milliers de normes qui s’imposent aux chefs d’entreprise et qui trop souvent constituent des freins à la création de valeur.
Si la critique est toujours facile, l’art est souvent plus difficile.
Alors que faire ?
A notre avis, et au regard de notre expérience des besoins des chefs d’entreprises des petites et moyennes entreprises, trois dispositions simples, claires et lisibles pourraient assurer un véritable « choc de compétitivité par la simplicité ».
Un choc comptable
Pour simplifier la vie des petites et moyennes entreprises, il faudrait passer à l’établissement de comptes annuels simplifiés basés sur la trésorerie. Ainsi, seuls les flux financiers réels seraient appréhendés au plan de l’imposition fiscale. Il y aurait à ce titre équivalence de traitement entre les entrepreneurs « Bic-Is » et les entrepreneurs « Bnc ». Une telle disposition pourrait s’appliquer dans la limite de 20 %% des seuils fixés pour la définition des petites entreprises, soit 1,6 million de chiffre d’affaires, 10 salariés et 0,8 millions de total du bilan. Afin d’éviter tout détournement d’une telle simplification, il faudrait bien évidemment prévoir des cas d’exclusion (comme les entités dépendant d’un groupe, de droit ou de fait). Et si les chefs d’entreprise concernés ont des besoins d’informations de gestion différenciées, il leur appartiendrait de demander à leurs conseils habituels de réaliser des tableaux de suivi à usage interne exclusivement. Par contre, le trio « bilan, compte de résultat, annexe » serait à maintenir afin que les comptes annuels donnent les précisions utiles sur l’affectation et l’évolution de la trésorerie.
Bien entendu, afin d’assurer la correspondance entre cette comptabilité simplifiée et les exigences fiscales, il faudrait que la taxe sur la valeur ajoutée soit payée sur la base des seuls encaissements / décaissements de la période.
En termes de contrepartie pour les entreprises, des mesures administratives très strictes de suivi des flux en espèces pourraient être mises en œuvre.
Un choc social du salariat
Pour simplifier la vie des petites et moyennes entreprises, on pourrait généraliser une nouvelle formule du « titre emploi service entreprise » (tese) sur le modèle encore plus simplifié du chèque emploi service applicable aux particuliers, donnant à la fois une vision claire au chef d’entreprise du coût net total des salaires versés, et un traitement unique des paiements des salaires, charges et impôts. Le principe serait à construire sur la base suivante : pour les entreprises concernées par cette possibilité de simplification (à notre avis, sur la même base des seuils que ceux proposés pour le choc comptable), l’entreprise opèrerait un versement au salarié du salaire net (basé sur le nombre d’heures effectives de travail) et une grille de passage du net aux charges donnerait de manière précise le montant des charges totales (tant sociales que fiscales) à reverser immédiatement par une 2é souche, avec par exemple une grille simple : « pour 10 € de salaire net horaire, 10 € de cotisations », « pour 20 € de salaire net horaire, 24 € de cotisations ». A charge pour l’entité TESE d’établir le bulletin de paie destiné aux salariés, et de répartir les cotisations sociales aux différentes caisses.
L’entité TESE pourrait aussi se charger du traitement et suivi des congés payés des salariés, sur le modèle de la caisse des congés payés.
En termes de contrepartie pour les entreprises, il pourrait être rendu obligatoire le passage devant un comité administratif en cas de contentieux social avec les salariés sur les heures effectives de travail dans le cadre d’un traitement rapide et visant à garantir un fonctionnement sain et équilibré d’un tel système.
Un choc social du non salariat
Pour simplifier la vie des chefs d’entreprises des petites et moyennes entreprises, il faudrait reprendre totalement l’organisation de la détermination et du paiement des cotisations sociales non salariées. On pourrait envisager un traitement simple, basé sur le résultat comptable de l’entité (entreprise individuelle ou société), et assurer un prélèvement exclusivement basé sur le résultat déterminé selon le résultat de trésorerie comme proposé au niveau du choc de simplification comptable. Le paiement pourrait s’opérer par prélèvements mensuels au cours du 2é semestre de l’année qui suit (avec déclaration du résultat en mai N+1 pour l’année N, et paiement des cotisations en six tranches égales de juillet à décembre N+1 pour N). Là aussi ce dispositif pourrait être introduit pour les entreprises ne dépassant pas 20 %% des seuils dit de « petites entreprises ».
En termes de contrepartie pour les entreprises, il y aurait mise en place d’une égalité de traitement pour le calcul des cotisations sociales entre rémunération de dirigeant et paiement sous forme de dividendes.
Bien évidemment, de tels chocs nécessiteraient de cadrer au maximum la simplification ainsi mise en oeuvre, afin de ne pas créer à nouveau « 400.000 nouvelles normes » pour expliquer et limiter les nouveaux dispositifs, tout en veillant à assurer les procédures pour réprimer les éventuels abus et détournements.
Tout ceci apparait comme très ambitieux. Mais l’avenir de notre économie passe, certes non exclusivement mais de manière notable, par le développement des entreprises de proximité, qui doivent pouvoir évoluer en liberté mais en respect de règles claires et compréhensibles. A charge pour les chefs d’entreprise de développer leurs activités, d’innover, de créer et … de dépasser les seuils, et ainsi de devoir appliquer le « droit commun ».
On sait que la simplification constitue un vaste et éternel sujet. Mais si on prenait l’audace d’essayer ! Car « l’imagination dispose de tout : elle fait la beauté, la justice et le bonheur, qui est le tout du monde » (Blaise Pascal, pensées).