« Pendant et après la formation, effectuez une série de projets personnels, c'est ce qui vous fera sortir du lot lors de l'entretien ». Invité à rencontrer les promotions 2018 de la Grande école du numérique de Lieusaint et des Internautes, Mounir Mahjoubi a quitté un temps ses habits de secrétaire d'Etat au Numérique pour échanger en tout simplicité avec ces étudiants. Les élèves de la Grande école se sont d'abord lancés, présentant leur formation face aux élus et représentants de l'Etat.
De vrais clients pour de vrais projets
« Nous avons appris à maîtriser différents outils dont le langage informatique, sensibilisé des écoles sur l'importance du numérique et participé à différents projets pour la Maison de l'emploi et de la formation de Sénart (MDEF) », a rappelé Asma El Kebir. Entamée en octobre, la formation s'est achevée le 18 mai pour les 26 élèves.
Poursuivant sa présentation à l'adresse du secrétaire d'Etat, la promotion en a profité pour faire part de ses doléances.
« Ces formations doivent continuer d'exister, voire être multipliées et ces acquis devraient être accompagnés par la mise en œuvre d'un programme d'insertion professionnelle tout aussi efficace ».
Mounir Mahjoubi a ensuite pu assister à une présentation des projets menés pour la MDEF, comme Milolib, une application de prise de rendez-vous en ligne mettant en relation les demandeurs d'emploi et les conseillers. « Au niveau de l'expérience utilisateur et sur la prise de rendez-vous, on est au même niveau de qualité que pas mal de start-up », s'est enthousiasmé Mounir Mahjoubi, avant d'ajouter avec malice : « tous mes services publics n'ont pas ce niveau-là ! ».
C'est ensuite la promotion de migrants du dispositif Insernautes, portée par l'association initiatrice de l'événement, Travail Entraide, qui s'est présentée au secrétaire d'Etat. « Cette formation axée sur les métiers du numérique dure trois mois, je fais partie de la 4e session », a témoigné Gaston Ndongala, originaire de la République démocratique du Congo. « Nous avons appris le pilotage de drone, la gestion et la création d'une entreprise, le montage de vidéos publicitaires, a-t-il détaillé. Nous bénéficions également d'une aide à l'insertion ».
Les 200 heures de formation et 150 heures de langue française permettent à 60 % d'entre eux d'être en état d'emploi en fin de formation.
Le secrétaire d'Etat sur le grill
Le secrétaire d'Etat au Numérique s'est finalement prêté au jeu des questions-réponses avant de prononcer le discours de clôture du séminaire. A la question de savoir quels étaient les accompagnements mis en place pour aider les futurs développeurs à s'insérer professionnellement, Mounir Mahjoubi s'est montré rassurant. « Il y a beaucoup de demande, sur le secteur, les entreprises ont l'habitude de recruter des ingénieurs qui ont Bac + 4, trois stages et savent tout faire en entreprise ». Mais ces derniers ne sont pas présents en nombre suffisant. « Donc, l'un des grands enjeux, c'est donc de savoir comment faire de la pédagogie auprès des employeurs pour ces nouveaux profils », a précisé le secrétaire d'Etat, indiquant que 400 écoles étaient labellisées et que 10 000 formations aux métiers du numériques avaient été lancées.
Par la suite, un nouveau chantier devra accompagner ce premier mouvement. « Nous voulons aider tout type d'entreprise à savoir comment recruter un couteau-suisse du numérique », a poursuivi Mounir Mahjoubi, précisant qu'un profil « sachant faire un peu de Photoshop, de Word Press, de PrestaShop et de référencement » est rare, alors que les PME ont besoin de ces compétences.
Aussi, outre la pédagogie auprès des entreprises, une aide financière sera apportée pour le recrutement.
« Toutes les entreprises ayant recruté ces profils en complément des ingénieurs le disent, il faut une adaptation, mais au bout d'un ou deux ans ces derniers ont rattrapé leur retard », a tenu à souligner le secrétaire d'Etat.
C'est finalement la question du rôle de la France au sein des institutions européennes qui a concentré les débats. « La France a en effet une voix importante », a estimé Mounir Mahjoubi. Traditionnellement, certains pays sont anti-régulation et d'autre, au contraire, sont hyper-régulateurs, la position de la France a fait émerger un point d'équilibre ». Le pays a également eu un rôle majeur s'agissant de cybersécurité, ayant participé à établir des standards en la matière. La France a également dû légiférer s'agissant de la haine en ligne, l'Union européenne ayant refusé d'agir.
Et Mounir Mahjoubi de conclure, en rappelant que le marché européen atteindra 600 millions de consommateurs d'ici à cinq ans : « il faut un numérique performant et innovant pour que la France et l'Union européenne soient attractives, mais en même temps, il faut être exigeant sur certains éléments de valeur, tels que les données personnelles, la concurrence ou l'impact sur l'emploi ».
Dotée de deux antennes et présente sur 12 cantons en Seine-et-Marne, l'association Travail Entraide a été créée en 1988 pour agir sur l'emploi local en favorisant la mise à disposition de personnel auprès de particuliers, d'entreprises, de syndics, de collectivités ou encore d'associations. « On peut parler ici d'intérim social », précise Patrick Debouvry, président de Travail Entraide. « Nous organisons aussi des actions d'accompagnement vers l'emploi tel qu'Insernautes, qui accompagne tous les primo-arrivants hors Union européenne et leur apporte un renforcement linguistique ».
Ce séminaire « Le numérique dans tous ses Etats », composé de mini-conférences (drone appliqué à l'urbanisme, Smart City, cluster numérique…) et de tables rondes (e-inclusion et impact du numérique sur l'emploi), est aussi à l'initiative de Travail Entraide.
« 30 % des Européens n'utilisent pas internet, les contacts humains des services publics se réduisent, alors que le formalisme administratif est toujours présent », constate Patrick Debouvry, qui souhaite œuvrer en ce sens en faveur des personnes en incapacité d'utiliser le numérique, former celles en capacité d'avancer vers l'autonomie numérique et faciliter l'accès des outils pour les populations les plus proches du numérique.
L'une des mini-conférences organisées durant le séminaire a été l'occasion pour le Centre de formation de Grigny et le Campus numérique de Montereau, d'exposer les différents besoins de la filière de la fibre optique. Quelque 22 000 emplois en équivalant temps plein seront nécessaires à horizon 2021 dans les deux familles de métiers des études et du déploiement.
S'agissant des besoins en déploiement, Pascal Goin, directeur du Campus numérique, a témoigné du fait que si l'envie des candidats ne fait pas défaut, c'est la grande mobilité intrinsèque au métier de monteur-raccordeur qui peut représenter un frein. Quant aux pré-requis attendus pour travailler dans le monde des télécommunications, on citera en priorité le permis B, la capacité à travailler en équipe ou encore la sens de la relation client. « Pour réussir en tant que technicien, c'est 40 % de savoir-être et 60 % de technique », a ajouté Pascal Goin, qui explique que les entreprises s'attachent beaucoup au savoir-être.
Le métier d'opérateur tend aussi à se féminiser, même si des efforts sont encore à faire. « Nous avons sensibilisé des référents pôle emploi, il y a beaucoup d'attente et de volonté de la part des entreprises », a conclu Pascal Goin.