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Le commerce de détail en grande souffrance

Une étude menée par l'Alliance du commerce, première organisation professionnelle dans l'équipement de la personne, analyse la situation du commerce de détail. Un secteur durement impacté par la crise sanitaire.
Le commerce de détail en grande souffrance

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La fermeture, depuis le 30 janvier, des centres commerciaux de plus de 20 000 m2, n'a rien arrangé. Depuis bientôt un an, la pandémie de la Covid-19 frappe un marché, qui enregistrait déjà une baisse quasi continue depuis 2007. En 2020, la consommation mode et textile a même lourdement chuté (-18,80 %). Décryptage avec Johann Petiot, directeur général de l'Alliance du commerce.

Le constat

Les causes de cette crise sont d'abord structurelles : modèle économique en crise engendrant de fortes pressions déflationnistes, transformation des modes de consommation et des attentes des clients et essor du e-commerce (18 % à 20 % du commerce de la mode et 110 milliards d'euros de revenus en 2020).

Mais depuis 2018, il faut ajouter des facteurs conjoncturels (grève dans les transports, mouvement des Gilets jaunes et manifestations contre la réforme des retraites) qui ont largement perturbé l'activité commerciale dans les centres des grandes métropoles, notamment à Paris. 2020 aura été une année noire pour les enseignes de l'habillement avec une baisse d'activité de 26 % en magasin. Une baisse essentiellement due aux deux confinements avec, à la clé, trois mois de fermeture cumulés (la baisse est limitée à 5 % en dehors de ces deux périodes).

Les soldes d'été n'auront rien changé à cette situation alarmante, d'autant que leur décalage dans le temps (du 15 juillet au 11 août 2020 au lieu du 26 juin au 6 août comme prévu initialement) s'est révélé défavorable aux enseignes (-6 % en cumulé de la croissance des ventes du panel habillement). Maigre consolation avec une reprise dynamique constatée en décembre grâce au report du Black Friday et aux fêtes de fin d'année (+7 %).

Les tendances

Cette crise sanitaire a surtout permis d'observer les principales tendances de consommation apparues durant l'année 2020. Tout d'abord, l'engouement logique pour le commerce en ligne avec une hausse de 60% du chiffre d'affaire dans le secteur de l'habillement lié à ce type de consommation digital. Pas assez, cependant, pour compenser (de quatre points seulement) la baisse du chiffre d'affaires total (magasins et e-commerce). L'autre phénomène notable, c'est la rupture constatée dans les modes de consommation. « On est passé d'un achat compulsif, qu'on appelle aussi achat plaisir, à un achat planifié, constate Johann Petiot. Ce changement s'explique par la crainte des lieux à forte fréquentation et des jauges de clients imposées dans les magasins. On a également assisté à un transfert de l'activité des centres-villes et des centres commerciaux vers les zones périphériques à ciel ouvert. »

Ce n'est donc pas une surprise de voir Paris ressentir durement les effets de la crise. Le chiffre d'affaires du commerce dans la capitale a, en effet, chuté de 22,1 %. « Cette baisse s'explique par l'effondrement du tourisme, la généralisation du télétravail et le renoncement à fréquenter des lieux peuplés », souligne le directeur général de l'AC. Les zones commerciales les plus touchées sont les Champs-Elysées (-38 %), Opéra-Haussman (-34 %), le Marais (-27 %), Saint-Germain/Saint-Michel (-27 %) et la Défense-Les 4 temps (-26 %). La conséquence immédiate, ce sont les disparitions d'entreprises ou d'enseignes et les restructurations entraînant des suppressions de magasins et d'emplois.

Dans ce contexte anxiogène, les aides publiques, notamment les Prêts garantis par l'Etat (1,7 milliard d'euros accordés), se révèlent vitales pour soutenir l'activité. Mais la contrepartie est un fort endettement bancaire (+129 %), notamment pour les moyennes entreprises.

Les perspectives

La transformation numérique est en marche. En effet, il est indéniable que la crise actuelle a accéléré la digitalisation des entreprises de commerce (24 % en 2020 contre 15 % en 2019). On note ainsi une hausse de 20 % des acheteurs de mode sur internet, soit 2,6 millions de nouveaux clients pour lesquels il va falloir mettre en oeuvre une stratégie de fidélisation. On assiste aussi à la revanche des acteurs traditionnels sur les « pure players ». Un retournement incarné par les “click and mortar” (commerçants cumulant les ventes en ligne avec celles de leur boutique physique), qui ont rencontré un vif succès durant le premier semestre 2020.

La mode, elle-même, se transforme également et devient plus durable. Une évolution liée à l'émergence du principe de responsabilité sociale et environnementale (RSE), qui s'accompagne de nouveaux critères d'achat (origine de fabrication, engagement et valeurs de la marque), et l'essor de la « seconde main » (32 % des Français ont acheté de la mode d'occasion en 2019 et 40% ont fait du tri durant le premier confinement). « La seconde main peut être créatrice d'emplois et un relai de croissance en 2021 », estime Yohann Petiot.

De nouveaux acteurs apparaissent sur ce marché comme le site lituanien Vinted (auteur de la plus forte fréquence d'achat au sein du top 20 des sites de e-commerce) ou le site Patatam, spécialiste de la friperie femme et enfant à petits prix (désormais troisième lieu d'achat de mode de seconde main). Contraintes de suivre le mouvement, les enseignes traditionnelles innovent pour répondre à cette nouvelle attente (Kiabi avec “Seconde Main”, Promod avec “Dressing Bis”, Gémo avec “Seconde Vie” et Eram avec “Atelier Bocage”).

« Un changement de paradigme est indispensable, insiste Johann Petiot. Notre modèle de production s'essouffle, car il provoque du surstock. » Le salut des entreprises de commerce de détail passera donc par une franche remise en question. Il faudra notamment multiplier les relocalisations, mais aussi s'appuyer sur l'avènement de l'omnicanalité, modèle vertueux symbolisé par le boom du “click and collect”. « Internet n'est pas notre ennemi, au contraire », conclut Johann Petiot. La survie du commerce de détail est à ce prix.

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