Condamnée en appel à dix ans de prison pour avoir tué en 2012 son mari qui la battait depuis quarante-sept ans, Jacqueline Sauvage a suscité l'émoi national cet hiver. De nombreuses pétitions et manifestations ont alors pris sa défense au nom des droits des femmes et de la lutte contre les violences conjugales, avant que le chef de l'Etat ne lui accord une grâce présidentielle partielle le 31 janvier 2016. Une pétition intitulée «Libérez Jacqueline !» avait ainsi recueilli 400 000 signataires dans toute la France.
Le tribunal d'application des peines (TAP) de Melun a rejeté vendredi 12 août la demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage. Toutefois, la procureure de Melun, Béatrice Angelelli, a annoncé que le parquet, qui avait pris des réquisitions favorables à la remise en liberté de cette femme de 68 ans, va faire appel. Les avocates de Jacqueline Sauvage ont dénoncé un véritable acharnement judiciaire, tandis que de nombreuses personnalités et associations féministes expriment leur indignation.
Une décision motivée
Pour les trois juges d'application des peines de Melun, ce n'est pas le risque de récidive ou la dangerosité de Jacqueline Sauvage qui posent problème, mais son manque d'introspection, nécessaire à la prise de conscience de son acte. Après avoir été érigée comme victime de son mari violent, cette dernière semble n'éprouver aucun remords quant à son passage à l'acte.
Cette décision étayée sur 15 pages montre que les juges ne se sont pas laissés influencer par l'opinion publique et ont su expliquer l'objectif de la peine infligée à Madame Sauvage.
Si cette dernière se plie au suivi psychologique, « cette démarche ne semble pas avoir de sens pour elle ». « Le sens de la peine lui échappe », estime le tribunal, qui précise que Jacqueline Sauvage « a été confortée dans cette position par les soutiens dont elle a bénéficié ».
Ainsi, le TAP de Melun estime qu'elle doit « poursuivre sa réflexion sur son passage à l'acte, sur l'ambivalence de ses relations affectives et sur sa propre responsabilité dans la survenance des faits » afin que la peine prononcée ait un sens.
Enfin, le projet de Madame Sauvage de s'installer chez sa fille, à quelques kilomètres des lieux des faits, n'est pas « propice » à ce « travail d'introspection », selon les juges.
« Ce qui ressort de la décision, c'est qu'il lui est reproché de ne pas avoir confirmé qu'elle avait finalement choisi de commettre ces faits », ont expliqué ses avocates, Me Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta. « Il est précisé qu'elle ne peut prétendre vivre à proximité des lieux des faits, dans un environnement qui, compte tenu des soutiens dont elle bénéficie, risquerait de la maintenir dans une position victimaire », ont-elles ajouté.