Selon la représentation ‘‘vitrine” qu'en donnent certains acteurs ‘‘high tech'', un immeuble de nouvelle génération devrait être en « énergie positive », tout emballé de panneaux photovoltaïques, surmonté d'éoliennes et, tout à la fois, couvert de végétaux ! La réalité est un peu différente.
Priorité à la labellisation et à la conformité aux normes
La priorité n'est pas de produire de l'énergie mais de « concevoir des immeubles toujours moins énergivores »,
souligne Éric Auterbe, en charge de la Relation investisseurs chez Eiffage Construction.
Alors sur quoi repose la valorisation d'un immeuble ? « De plus en plus sur la labellisation, sur la conformité aux normes ». Il est devenu crucial d'obtenir les labels qualité notamment en matière d'énergie - HQE, voire BREEAM ou encore la certification WELL (santé, bien-être), « et même la biodiversité quand c'est possible, car ce n'est pas évident en milieu urbain où il y a peu ou pas d'espaces verts, pas de murs végétaux, etc. »
Le critère de modularité
La modularité des surfaces est également un critère clé : « Notamment pour le neuf, il faut rester dans les grands standards, des profondeurs de plateau qui soient mixtes, idéalement de 12 et 18 mètres, d'une seule portée. Il faut également avoir une trame de façade régulière », souligne Éric Auterbe.
À cela s'ajoutent les technologies embarquées : faux plancher, faux plafond, avec gestion optimale des énergies.
Au-delà de la tendance “open space”, il faut intégrer les nouveaux usages de bureau, donner beaucoup de souplesse pour de multiples ré-aménagements possibles (cf. coworking, flex office).
Comme l'explique un responsable de Bouygues Telecom, les très hauts débits apportés par la fibre ou les communications wifi et la 4G en “indoor” ne suffisent pas : « Il faut pouvoir également réaménager des espaces : “flex office”, salles de visioconférence, zones dédiées à la collaboration ou encore bulles de confinement pour travailler en toute tranquillité avec des collaborateurs distants. Les locaux doivent répondre à la diversité des pratiques ».
Fluides, chaud et froid, énergie
En matière d'énergie, c'est la recherche et la fabrication du froid qui priment sur le chaud. Car le chaud est en grande partie produit par les équipements en fonctionnement (informatique, copieurs, divers matériels actifs).
« Le refroidissement coûte plus que le chauffage : cela se vérifie depuis une quinzaine d'années. D'où la priorité donnée à la basse consommation énergétique », explique Vianney Fullhardt, directeur Transition énergétique chez Eiffage Construction.
Cette orientation est liée à l'amélioration de l'enveloppe des bâtiments et à l'augmentation des charges internes.
« Les consommations d'énergie ont été beaucoup réduites, notamment en termes de chaleur et de froid. il reste des marges de progression hors du périmètre de la réglementation
RT 2012 (électricité spécifique, ordinateurs, machines à café, éclairages extérieurs, parkings…) ».
Les principaux postes de consommation d'énergie
« Il faut distinguer l'énergie ‘‘finale'' (celle facturée au compteur) de l'énergie ‘‘primaire'' (celle nécessaire pour fournir l'énergie au compteur) ».
Les consommations des auxiliaires (moteur des ventilateurs et des pompes) représentent désormais une part importante de la consommation en énergie primaire.
La ventilation reste une préoccupation en raison des Centrales de traitement d'air et la nécessité de débits d'air plus importants pour améliorer encore la qualité de l'air intérieur. À l'inverse, les plafonds chauffants rafraichissants (avec circulation d'eau chaude et froide) sont performants.
Éclairage en très nette progression
Les luminaires basse consommation (tubes fluorescents T5, lampes fluo-compactes et surtout les LED) sont économiques, surtout couplés à des détecteurs de présence et de lumière du jour.
Énergie positive : les leçons à tirer
L'objectif de production d'énergie dépassant 100 % de la consommation reste difficile à atteindre dans l'absolu, surtout en environnement urbain dense.
Certes, de plus en plus de sociétés ou collectivités s'efforcent de produire une partie de leur énergie, essentiellement à partir de panneaux photovoltaïques ; « mais de là à basculer en énergie positive, il y a un pas énorme à franchir. Il faut de très larges surfaces de panneaux solaires pour couvrir des besoins en centaines ou milliers de kWh. L'espace manque, sans oublier la question de l'esthétique. »
Site pilote
« Sur le site d'une agence à Amiens (800 m² en rez-de-chaussée et demi-rez-de-jardin), nous avons quasiment pu atteindre le seuil positif dans le périmètre des usages de la réglementation RT2012. Donc produire de l'énergie, oui c'est possible, souhaitable et cohérent mais sans viser nécessairement l'énergie positive. On peut l'atteindre principalement sur du neuf et hors d'une zone urbaine dense, permettant de larges surfaces de panneaux photovoltaïques », explique Vianney Fullhardt.
Nouvelle priorité : le « bas carbone »
Plutôt que produire de l'énergie, mieux vaut diminuer l'impact CO2 :
« C'est la démarche qui prévaut au vu de la nouvelle réglementation, qui doit conduire la France à diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 ».
« Cela implique d'orienter des décisions au moment de lancer la conception des immeubles, y compris la maintenance ou remplacement et le recyclage / fin de vie des matériaux sur une durée de 50 ans ; et tout en laissant ouverts des changements d'usages des surfaces ».
Réseaux de chaleur vertueux
La priorité est donc désormais au « bas carbone », sachant qu'actuellement, l'émission de CO2 provient pour 50 % de l'énergie consommée.
Il faut prioritairement travailler sur des énergies faiblement carbonées comme les réseaux de chaleur vertueux, consommant principalement de l'énergie non-fossile, d'origine renouvelable. Trois ZAC d'Île-de-France sont en test.