Comment analysez-vous la récente agression survenue dans le lycée professionnel de votre ville ?
Le lycée Jacques Prévert est un bon établissement dans lequel j’ai commencé ma carrière de proviseur en 1982. Il a toujours connu de bons résultats, j’y suis très attaché et il ne mérite pas le risque de stigmatisation dû à cet événement. Les faits qui s’y sont produits sont totalement inacceptables et rien ne peut les justifier. Un établissement scolaire est un lieu “sacré” où on ne vient pas pour manifester des marques de violences et d’agressivité à l’égard des enseignants. Il y a un demi-siècle, la violence n’entrait que très peu à l’école. Aujourd’hui, elle s’est installée dans la société comme un mode ordinaire de relations sociales et elle a fait son entrée au sein de l’école. Il n’y a pas de solution miracle. Il faut faire respecter l’autorité naturelle de l’école de façon non négociable. Faisons preuve de justesse et de justice. L’école ne doit pas reculer devant la violence.
Vous êtes maire depuis 26 ans et vous avez été député durant 15 ans. Quel est le secret de cette longévité ?
Je considère qu’une élection n’est jamais un hasard quand elle se reproduit. Quand vous êtes élu plusieurs fois consécutivement, c’est que quelque chose se passe et qu’il y a une appréciation globalement positive de la part des électeurs. Il y a de la confiance.
Pourquoi avez-vous décidé de faire de la politique ?
Ce qui m’a principalement motivé, c’est mon parcours scolaire. J’ai eu cette grande chance d’être un adolescent de la Ve République en étant élève du lycée pilote de Montgeron, annexe, à l’époque, du lycée Henri IV. J’étais un lycéen heureux et très intéressé par la période du Général de Gaulle. C’est lui qui a remis la France là où elle est encore aujourd’hui et je suis devenu très fervent de politique. J’ai donc fait des études de droit et de sciences politiques et dès que j’en ai eu l’opportunité, j’ai tenté la relation avec les électeurs.
Que pensez-vous du débat autour du possible retour du cumul des mandats ?
J’ai été député-maire 15 ans et pendant ces mandats non pas “cumulés”, mais plutôt exercés simultanément, jamais personne ne m’a dit « quand arrêterez-vous ce scandale ? ». Au contraire, les habitants d’une commune sont fiers que leur maire soit parlementaire. Cette suppression a été, pour moi, une erreur purement idéologique et tout sauf moderne. Il y a un décrochage entre la réalité des maires sur le terrain et les lois appliquées par des élus éloignés de la réalité. C’est un vrai problème démocratique. Si j’avais été parlementaire au détriment de ma fonction de maire de Combs-la-Ville, il est certain que je n’aurais pas été réélu par les habitants.
L’égalité homme-femme tient une place importante dans votre engagement. La société évolue-t-elle dans le bon sens ?
Oui. Quand je célèbre des mariages, je rappelle souvent que cela fait à peine 50 ans que le statut juridique de la femme a changé dans notre pays. Dans les années 1960, une femme ne pouvait ni ouvrir un compte en banque ni travailler sans l’accord de son mari. Aujourd’hui, c’est impensable. J’ai eu la chance de travailler avec Lucien Neuwirth et sa loi autorisant la contraception et il y a eu aussi Simone Weil dans les années 1970. J’ai été l’auteur et le rapporteur de deux lois, en 2006 et 2010, contre les violences faites aux femmes, notamment pour faire reconnaître l’existence du viol entre époux. Aujourd’hui, le mouvement est bel et bien parti et rien ne pourra l’arrêter. On voit une émergence plus naturelle des femmes dans la vie publique et politique et non forcée par des statistiques.
Une femme présidente de la République, est-ce pour bientôt ?
Cela viendra un jour. Valérie Pécresse, que j’apprécie beaucoup, pourrait être cette première femme. Mais on ne peut pas juste dire « Je suis une femme, je veux être présidente » Il faut que le choix se fasse en fonction des projets et non par rapport au genre. Un jour, la question ne se posera même plus.
Quel premier bilan dressez-vous de la crise sanitaire et quelle leçon doit-on en tirer en matière de politique territoriale ?
Cette crise s’est produite dans la foulée de celle des Gilets jaunes durant laquelle les élus locaux ont considéré qu’au plus haut sommet de l’Etat, on les avait volontairement mis de côté. L’État a bien été obligé de reconnaître leur importance. Élus communaux et représentants de l’Etat ont fini par travailler ensemble, car il ne pouvait pas en être autrement. Nous souhaitons que ces liens perdurent, car sans les élus, aucune décision n’aurait pu être mise en œuvre. La réalité des fonctions locales est inconnue du président Macron. Il ne nous connaît pas ! Mais la crise a révélé le rôle incontournable des collectivités locales dans la vie quotidienne de nos concitoyens et dans l’animation de la démocratie.
La question des territoires est-elle devenue un enjeu national ?
Après toutes ces hésitations, nous avons démontré notre capacité à être des acteurs de la mise en œuvre de la politique publique, à renverser les difficultés et à ouvrir une nouvelle période prometteuse de notre vie démocratique. Quand on voit l’abstention depuis 2020, on se dit qu’il y a un réel défi démocratique dans notre pays. Il peut être surmonté, car je le redis, les élus ont fait la démonstration qu’ils étaient indispensables au bon fonctionnement de notre société. C’était le message central de notre dernier congrès des maires de Seine-et-Marne.
David Lisnard, le maire de Cannes, était présent à ce congrès.
Cela signifie-t-il que vous allez soutenir sa candidature à la présidence de l’Association des maires de France ?
Je soutiens David Lisnard, c’est très clair. Il m’avait demandé de pouvoir assister à notre congrès, ce que j’ai accepté avec plaisir. En revanche, je ne lui ai pas donné la parole, car je tenais à conserver un équilibre parfait. Je n’ai pas voulu créer d’interférence entre cet événement et les élections qui auront lieu les 16 et 17 novembre prochains.
Votre parti a-t-il vraiment les moyens de gagner l’élection présidentielle ?
Les Républicains ont incontestablement les moyens de gagner, mais qu’ils soient aujourd’hui, d’après les sondages, en position de gagner est plus incertain. Jamais une élection présidentielle ne s’est écrite six mois avant et rien n’est jamais joué à l’avance. En attendant, chacun doit faire vibrer son projet.
Avez-vous un conseil à donner aux candidats à la candidature ?
Rester soi-même et confiant pour rassembler les Français. Tous ceux qui veulent faire gagner la droite doivent rassembler notre famille. On ne sait pas qui sortira du chapeau, mais, à mon avis, cela se jouera entre Bertrand, Pécresse et Barnier, qui ont chacun des atouts.
Vous avez été réélu facilement en 2020. Est-ce votre dernier mandat ?
Quand on a fait cinq mandats, au lieu d’avoir épuisé tous les sujets, on en découvre tous les jours. On pourrait dire qu’il n’y a pas de limite, mais il faut bien qu’il y en ait. Je répondrai par une formule qui ouvre le champ : je serai plus jeune à la fin de mon cinquième mandat que Joe Biden au début de son premier comme président des Etats-Unis !
Quelles sont vos ambitions pour Combs-la-Ville ?
La ville a considérablement stabilisé son développement. De 1960 à 1990, on avait multiplié la population par six, puis de 1990 à 2020, on est passé de 20 000 habitants à 22 500. On est dans une fin d’urbanisation pour une ville moyenne où il faut équilibrer les générations, les espaces comme la forêt de Sénart ou rénover des équipements comme notre MJC qui fonctionne très bien. Nous structurons l’équilibre entre habitats, espaces agricoles et espaces protégés, ainsi qu’entre les générations. Il n’y a rien de révolutionnaire, mais c’est sur cela nous devons travailler pour les prochaines années.
Un mot sur la récente disparition de Bernard Tapie qui aura été l’habitant le plus célèbre de votre commune. Quel souvenir garderez-vous de lui ?
Je n’ai jamais été un intime, mais au fil des plus de 20 ans qu’il a passé ici, nous avons tissé d’abord des relations cordiales, puis amicales. Ces dernières années, du fait de son état de santé, j’ai eu l’occasion de le voir plus souvent. Il me demandait des coups de main, des conseils. J’ai eu de la peine en apprenant sa disparition. Un jour, il m’a dit : « Tu sais, je suis un homme heureux, car je ne laisse personne indifférent. Une moitié des gens m’adore et l’autre moitié me déteste ». C’était Tapie ! À Combs, il était très discret. On le voyait juste au marché ou à la boulangerie. Il restera un type qui est toujours allé jusqu’à la limite, voire au-delà quelques fois. Il sortait de l’ordinaire.