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Frédéric Valletoux : « L'hôpital est le pivot de notre système de santé »

Maire de Fontainebleau, mais également président de la Fédération hospitalière de France, Frédéric Valletoux dresse un constat sur l'état de notre système de santé et plus particulièrement celui des hôpitaux. Progression des maladies chroniques, évolution de la médecine, déserts médicaux, bureaucratie, les défis à relever pour l'avenir sont nombreux. À la limite du burn-out, les établissements hospitaliers nécessitent aujourd'hui des réformes structurelles afin de pouvoir répondre aux demandes d'économies prévues par l'État (loi de financement de la Sécurité sociale 2018). Plus localement en Seine-et-Marne, on assiste depuis quelques années à la création des Groupements hospitaliers de territoires (loi de Santé 2016), ainsi que des premières Maisons de santé universitaires de France.
Frédéric Valletoux : « L'hôpital est le pivot de notre système de santé »

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Quelles sont les missions et les priorités de la Fédération hospitalière de France ?

La Fédération hospitalière de France est le lobby des établissements publics de santé. C'est une association âgée de 90 ans qui regroupe l'intégralité de l'offre de soins publique, à savoir les 1 100 hôpitaux français et les 2 500 maisons de retraite publiques. Sa mission principale consiste à les valoriser, les défendre et les représenter à tous les niveaux. Elle les accompagne dans leurs mutations, les représente auprès des différents organes ministériels et valorise leurs initiatives. Nous sommes très sollicités par les gouvernements successifs lors de changements réglementaires ou législatifs, comme c'est le cas en ce moment sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. C'est aussi un organisme d'appui et d'expertise pour les établissements eux-mêmes sur des sujets particuliers, ainsi que pour la publication d'études. La Fédération hospitalière de France est la voix des hôpitaux et l'avenir du système de santé.

Selon vous, quels sont aujourd'hui les grands défis de notre système de santé ?

Ils sont très nombreux. Il faut d'abord s'adapter aux évolutions de la société, à son vieillissement, ainsi qu'à la progression des maladies chroniques, comme le diabète et le cancer. Il faut également s'adapter au contexte difficile lié à la pénurie de médecins et à la montée en puissance des déserts médicaux. Aujourd'hui, les Français se tournent de plus en plus vers l'hôpital à cause de la défaillance de l'offre de soin en ville. Par exemple, en 10 ans la fréquentation des urgences a doublé, passant de 10 millions à 19 millions d'interventions.

Cela impacte bien sûr l'organisation des hôpitaux et le suivi des patients. Nous devons également prendre en compte les avancées sur le plan médical. Aujourd'hui, la recherche et les innovations thérapeutiques évoluent très vite et de ce fait les modes de prise en charge également. Il faut savoir qu'un million de Français travaillent dans les hôpitaux. Ce sont de grosses organisations aux statuts très rigides et dont le système administratif est très pesant. La sur-administration et la bureaucratie le fragilisent. On multiplie en permanence les normes, les contraintes et les règlements qui pèsent sur le quotidien des équipes hospitalières. D'où ce sentiment parfois des soignants qui ont l'impression de passer moins de temps à faire leur métier au détriment des tâches administratives.

Pour résumer, l'enjeu de l'hôpital est de continuer à s'ajuster aux mutations de la société, à intégrer le progrès médical, technologique et se défaire de cette pression administrative qui l'empêche de s'adapter aux besoins spécifiques des territoires. L'hôpital est devenu le pivot du système de santé. C'est aussi l'institution que les Français plébiscitent le plus lorsqu'on leur demande à quel service public ils sont le plus attachés. Car nous tenons tous à garder un hôpital de qualité, c'est la grandeur du système français, un modèle qu'il faut conserver.

En tant que président de la FHF, vous avez demandé au Gouvernement une « accélération » des réformes structurelles à l'hôpital. Quelles réformes préconisez-vous et pourquoi ?

On part d'un constat simple : sur ces trois dernières années, l'hôpital a fait 3 milliards d'euros d'économies. En 2018, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en prévoit encore 1,6 milliard. Cela représente en une année un effort d'une intensité jamais connue. Même si les établissements hospitaliers ont réussi à atteindre les objectifs jusqu'à présent, à terme, ils seront affaiblis et fragilisés. C'est pourquoi, des réformes de structure sont nécessaires pour rendre ces économies supportables.

Car le burn-out à l'hôpital est bien réel aujourd'hui. Concrètement, il faut revoir les modes de financement et assouplir les statuts, ainsi que la gestion du temps de travail et du personnel. Comme l'hôpital est devenu la variable d'ajustement du dysfonctionnement de notre système, subissant la défaillance de la médecine de ville, nous devons répondre à la question des déserts médicaux et de l'accès aux soins. Il faut permettre aux hôpitaux de déployer des solutions afin de faire sortir les médecins hospitaliers des quatre murs de leur établissement pour pratiquer des consultations avancées et ainsi s'adapter aux spécificités des territoires.

Une mesure d'autant plus nécessaire en Seine-et-Marne où le territoire est très vaste. L'hôpital de demain sera hors des murs. Nous préconisons également, entre autres, de développer l'ambulatoire, l'hospitalisation à domicile, la télémédecine et de demander aux généralistes de participer à la permanence des soins.

Comment se portent les hôpitaux en Seine-et-Marne aujourd'hui ?

L'arrivée des Groupements hospitaliers de territoires instaurée par Marisol Touraine en 2016 a beaucoup marqué le paysage hospitalier ces dernières années en France, où on a assisté à des fusions et des coopérations. Les hôpitaux Seine-et-Marnais se sont eux aussi adaptés en fusionnant, pour la plupart d'entre eux.

Aujourd'hui, on y dénombre quatre établissements principaux : le Grand hôpital de l'Est francilien (Meaux, Coulommiers, Marne-la-Vallée), le CH Sud Seine-et-Marne (Fontainebleau, Nemours, Montereau-Fault-Yonne), le Groupe Hospitalier Sud Île-de-France (Melun, Brie-Comte-Robert) et le CH de Provins.

On compte deux Groupements hospitaliers de territoires, avec une coopération au nord et une au sud. En mutualisant les forces, l'offre médicale peut ainsi être mieux répartie entre différents établissements. Un bon moyen d'attirer ainsi les médecins et de les conserver. Car les déserts médicaux concernent également l'hôpital, où 25 % des postes de médecins ne sont pas pourvus. Enfin, un projet phare de coopération publique/privée a aussi vu récemment le jour : le Santépôle, un rapprochement entre les cliniques (Saint-Jean et l'Ermitage) et l'hôpital de Melun.

Y a-t-il une spécificité seine-et-marnaise ?

Oui, une innovation ! Les premières Maisons de santé universitaires ont été inventées en Seine-et-Marne, d'abord à Coulommiers en 2012, puis à Fontainebleau en 2014, grâce à l'université Paris-Est Créteil (Upec) et la faculté de médecine Henri Mondor. Ces maisons sont habilitées à recevoir des étudiants en médecine qui y valident leur internat. Elles sont situées dans les locaux des hôpitaux et ne pratiquent que du secteur 1, c'est-à-dire sans dépassement d'honoraires. Cinq généralistes libéraux y sont installés et accueillent deux à trois internes, recevant, en permanence, les patients avec et sans rendez-vous. C'est une expérience à la fois intéressante pour les médecins formateurs et pour notre territoire car elle permet de susciter l'installation de futurs jeunes médecins. Les Maisons de santé universitaires ont remporté un tel succès que de nouveaux projets sont maintenant en cours à Torcy et Nemours.

Journaliste de formation, l'hôpital n'était pas votre spécialité, alors pourquoi cet engagement ?

L'Hôpital est l'un des grands acquis de notre pacte républicain et de la société française. Garantir l'accès aux soins, la santé pour tous, le système universel dans l'avenir, malgré les contraintes budgétaires, malgré tous les défis qui pèsent sur notre système de santé, est un enjeu majeur de notre société.

C'est pourquoi, je suis passionné par ma mission. D'autant que la Fédération hospitalière de France est une organisation particulière où collaborent des médecins, des directeurs d'hôpitaux, des élus locaux, des représentants des patients, des philosophes et des spécialistes de la recherche. Tous ces avis, travaux et réflexions sont portés par des personnes qui ont des expériences et des visions très variées. Cela génère une richesse de débat et une force de proposition réelle. Il s'agit d'un sujet d'intérêt général, jugé majeur par les Français, qui construit sa réflexion à partir de regards différents.

C'est fascinant d'un point de vue intellectuel et exigeant à l'aune des enjeux politiques qui y sont liés.

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