AccueilActualitéGrand témoinCyrille Milard, FDSEA 77: « L'agriculture n'est pas perdue »

Cyrille Milard, FDSEA 77: « L'agriculture n'est pas perdue »

Exploitant agricole en grandes cultures (blé, orge, maïs, colza, betterave) à Maison-Rouge, Cyrille Milard vient d'être élu président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de Seine-et-Marne (FDSEA 77). Passé par les Jeunes agriculteurs, il a progressivement pris goût pour les échanges avec ses pairs et la défense du métier. Il prend la suite d'Arnaud Rousseau, qui vient de quitter la présidence de la FDSEA. Précisant les chantiers et échéances à venir pour la Fédération, Cyrille Milard dresse un premier bilan des inondations et porte un message d'espoir aux agriculteurs du département.
Cyrille Milard, FDSEA 77: « L'agriculture n'est pas perdue »

ActualitéGrand témoin Publié le ,

Dates clés

2018 - Président de la FDSEA 77

2010 - Entrée à la FDSEA 77, président du canton de Nangis

2006-2010 - Passage chez les Jeunes agriculteurs

2001- Reprise de l'exploitation familiale

Le syndicat a souligné que votre élection se faisait dans une certaine continuité…

Cette passation a eu lieu parce qu'à la suite du décès de Xavier Beulin, qui était président de la Fédération nationale, Arnaud Rousseau a pris des fonctions importantes au niveau du groupe Avril (groupe agro-industriel français spécialisé dans les huiles et protéines végétales, ndlr). Il était déjà président de la FOP (Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux) et ne pouvait plus mener totalement à bien son mandat à la FDSEA77. Nous avions décidé d'un changement en début d'année, effectué en cours de mandat. Aussi, nous n'avons pas voulu rebattre les cartes du conseil d'administration. J'avais par ailleurs présenté le rapport d'activité lors de l'assemblée générale qui traçait les lignes à suivre à court et moyen termes.

Quels sont donc ces chantiers à poursuivre ?

Toutes les filières confondues traversent une crise profonde. Même sur les grandes cultures, c'est du jamais vu, avec presque quatre années consécutives sans revenu et une année 2016 en déficit pour plus de la moitié des agriculteurs. Cela reste lourd à porter pour nous. Ce manque de perspectives, notamment en termes de politique gouvernementale et de vision d'avenir au niveau européen, fait que le moral des agriculteurs est vraiment en berne.

Ma priorité est donc d'éviter le repli sur soi de l'ensemble des agriculteurs, d'essayer d'être un moteur et de leur faire prendre conscience que l'agriculture n'est pas perdue. Nous avons encore une marge de manœuvre pour rebondir, tant sur le plan de la structuration d'exploitation, (économies de charge…) que sur le développement des filières et des fermes, pour trouver une diversification et apporter de la valeur ajoutée, et ainsi essayer de nous adapter au contexte et aux attentes sociétales, puis de porter certaines innovations. Le contexte économique est lourd, la FDSEA n'aura pas toutes les réponses mais nous sommes là pour accompagner nos confrères.

Il nous faut aussi travailler sur un point qui nous cause du tort, la communication. Nous avons relevé 87 émissions à charge sur l'agriculture en 2016 et nous ne comprenons par cet acharnement médiatique. Sûrement par méconnaissance, par peur. Mais, il nous faut reprendre à bras-le-corps cette communication et ne pas craindre de parler de nos pratiques, de retrouver une certaine légitimité à communiquer positivement sur notre activité. C'est une mission complexe, avec l'instantanéité des réseaux sociaux et la pratique des grands médias qui ne sont pas acquis à notre cause.

Il faut aussi que les agriculteurs prennent les choses en main à leur échelle, en discutant avec leur famille, leurs voisins, en ouvrant leur ferme. Nous n'avons rien à cacher, nous fabriquons des produits de qualité, conformes aux normes en vigueur et avec la traçabilité nécessaire. La population est méfiante à l'égard de nos productions alors que cela ne devrait pas être le cas.

Enfin, nous avançons tous dans l'âge et nous attendons beaucoup des jeunes agriculteurs pour essayer de renouveler le syndicat et maintenir une présence. Nous les associons à nos réunions mais nous avons besoin d'eux pour la suite parce que c'est l'avenir de l'agriculture.

Qu'en est-il des échéances à venir ?

La première est le Salon de l'agriculture, avec notamment l'annonce par le Gouvernement d'un grand plan d'investissement. On parle beaucoup de la mutation de l'agriculture, l'innovation et l'investissement sont stratégiques sur ce point. En parallèle, un plan bioéconomie sera dévoilé. Aussi, nous accueillons toujours nos élus, parlementaires, conseillers régionaux et départementaux pour qu'ils découvrent notre agriculture. Cela fait partie des partenariats que nous avons avec eux toute l'année et qu'il faut poursuivre, comme pour le Pacte agricole de la Région, qui sortira en mai. On y traite notamment des filières du tourisme, de l'innovation, de la transition énergétique, de l'intégration de l'agriculture dans les J.O. 2024 ou la Ryder Cup… Nous devons trouver des partenaires prêts à mettre de l'argent sur la table pour nous aider à développer la profession.

La Seine-et-Marne au Salon de l'agriculture

Sur l'espace du Cervia Paris Île-de-France (Organisme associé à la Région Île-de-France, qui œuvre pour le maintien de l'agriculture francilienne et soutient la pérennisation des entreprises alimentaires sur le territoire) la Seine-et-Marne est bien représentée avec cinq producteurs pour faire découvrir les spécialités du département :

• Patrice Boudignat - Moutarde

• Macarons de Réau - Macarons craquelés et fondants

• La Ferme de Sigy - Yaourts, fromages blancs, laits fermentés

• Brasserie Rabourdin - Bières

• Délices de La Ruche - Miel, Pain d'épice, bonbons au miel

La filière chanvre est aussi représentée, le stand Île-de-France ayant été réalisé à partir de ce produit.

Enfin, d'ici au mois de juin, nous avons les négociations de la prochaine PAC. Nous sommes clairement en distorsion de concurrence avec d'autres pays de l'Union européenne. Certains d'entre eux octroient en outre une aide plus conséquente à leurs agriculteurs. Nous n'avons pas non plus les mêmes normes sociales et nous voyons que la France chute inexorablement au classement mondial. Nous prônons un socle commun européen pour être sur un pied d'égalité, avec quelques déclinaisons nationales.

Comment décririez-vous votre Seine-et-Marne agricole ?

Le département a cette particularité de regrouper à l'est et au sud des grandes zones agricoles et à l'ouest et au nord-ouest une zone périurbaine. Nous avons une pluralité d'agricultures, plutôt tournées vers les grandes cultures en zone de plaine. Du côté urbain, se développent la vente directe et le maraîchage. Nous sommes également les premiers producteurs de salades en France sur la plaine de Chailly-en-Bière. On notera aussi la proportion d‘agriculture biologique en progression, des élevages très performants et de qualité, qui répondent encore présent malgré la crise.

Ensuite, nous avons une région plutôt productive par rapport à d'autres zones de France, avec une agriculture assez performante et innovante, ce qui nous confère une capacité de réaction à ladite crise supérieure à d'autres départements.

Je trouve les agriculteurs du 77 très passionnés par leur métier, ils le font avec amour au quotidien et sont ouverts aux autres. Nous avons toujours nos Balades du goût, nous ouvrons nos fermes aux visiteurs. La proximité de Paris fait que nous avons des contraintes de grignotage des zones agricoles en zones
périurbaines. Nous essayons de les préserver mais c'est aussi une chance d'avoir ce pôle de vie aux portes de Paris pour travailler la vente en direct, le marché local.

De quelles innovations parlez-vous ?

Nous avons par exemple un développement de méthanisation, à Chaumes-en-Brie, une des premières usines en France où la famille Quaak s'est installée. Une autre usine se construit à Nangis, on en trouve aussi une près de Bray-sur-Seine ou encore à Coulommiers. Cela prend beaucoup dans le département.

Il faut aussi parler de notre contribution à la transition énergétique et la préservation de l'environnement, avec la photosynthèse des cultures qui captent du carbone. Les usines de méthanisation permettent de réutiliser les déchets. Nous développons également le photovoltaïque.

Cela passe aussi par l'utilisation de drones ?

En effet, les drones nous permettent de gagner en efficacité et de réduire nos intrants (engrais ou phytosanitaires), cela se démocratise énormément. Nous faisons survoler nos parcelles par des appareils qui disposent de capteurs et prennent des photos puis déterminent le potentiel de la culture en dressant une carte. Nous savons alors où placer précisément l'engrais et sa quantité.

Nous avons aussi une série de logiciels en partenariat avec Arvalis, un institut technique de recherche et d'expérimentation. Corrélés à des outils météorologiques, ces logiciels nous permettent de détecter une éventuelle maladie ou la venue d'insectes et ainsi de réagir rapidement, de gagner en efficacité et en rendement.

En Seine-et-Marne, depuis un an, nous avons fait l'acquisition d'un drone à la Chambre d'agriculture. Tous ces outils d'aide à la décision représentent l'avenir pour notre métier. Aujourd'hui, nous avons besoin d'être épaulés et que la science et l'innovation nous aident à gagner en coût, en charge, mais aussi en efficacité.

Où en est le développement des circuits courts ?

C'est plutôt la Chambre d'agriculture qui se préoccupe du sujet, mais beaucoup d'agriculteurs trouvent cette solution en temps de crise pour pouvoir vivre de leur métier. Il s'agit d'une des voies qu'il est possible de suivre. Chacun doit arriver à tirer son épingle du jeu. Soit en s'essayant à de nouvelles productions, soit en valorisant l'existant. On voit bien que l'attente sociétale tend vers le naturel et le local. Cela reste compliqué, surtout en grande culture. Nous pouvons faire du local mais pas sur des productions de cette ampleur, cela reste des marchés de niche.

Quel est le bilan des inondations ?

Nous avons recensé 1 300 ha inondés en Seine-et-Marne, surtout en colza, blé et orge pour les exploitants ayant subi le plus de dégâts. Il reste à rassembler les informations sur les agriculteurs moins touchés. Nous sommes face à des pluies exceptionnelles en janvier de l'ordre de 250 mm, c'est du jamais vu depuis 1986. Tous les sols sont saturés. Cette crue a été plus ciblée sur la Seine et la Marne et des exploitations ont été touchées du fait de résurgences de nappes phréatiques. Des cultures qui sont sous l'eau plus d'une dizaine de jours sont fichues... De plus, je crains que des exploitants n'arrivent pas du tout à rentrer sur leurs terres en mai, notamment à Montereau, en vallée de Seine, pour réussir à cultiver quelque chose cette année.

Au-delà, nous devrons encaisser les aspects psychologiques des inondations. En 2016, certains avaient tout perdu à un mois et demi de la récolte. Actuellement, ils ne se sont pas encore remis et doivent faire face à une nouvelle inondation. C'est dur pour eux. Nous essayons de trouver des solutions mais il serait bien que les Pouvoirs publics prennent aussi leurs responsabilités. Nous voulons bien essayer d'éponger les crues et de subir ces inondations pour épargner Paris, mais il faut aussi penser aux agriculteurs qui le paient de leur poche. Ça ne peut pas continuer comme ça.

Qu'en est-il des fonds de soutien ?

À chaque crue, la question se pose, mais personne ne veut créer un fonds d'indemnisation qui pourrait arranger tout le monde sur Paris. En effet, le coût d'une crue équivalente à celle de 1910 est évalué à 30 milliards d'euros. Comparativement à quelques hectares indemnisés dans certaines zones, c'est peu. Personne n'a le courage de s'y atteler, mais nous le réclamons. Au-delà du drame matériel, il y a le drame humain auquel nous sommes très sensibles. L'aide de 2016 n'a pas couvert tout le déficit que nous traînons encore cette année. Nous sommes 30 % d'agriculteurs d'Île-de-France à toucher moins de 350 euros par mois, avec certains qui finissent à moins 20 000 euros.

Que représentent les élections à la Chambre d'agriculture d'Île-de-France ?

La Chambre d'agriculture de Seine-et-Marne et la Chambre d'Île-de-France Ouest ont fusionné le 1er janvier dernier. L'enjeu est de maintenir et d'asseoir notre représentativité, puis de montrer que nous sommes le syndicat moteur dans le département, que nous avons toute légitimité à représenter la profession. L‘objectif est de garder de la proximité avec des antennes déployées sur le terrain, d'apporter les mêmes services qu'auparavant et d'en adopter de nouveaux.

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