Pourquoi avoir candidaté ?
Sophie Hombert : C'est en fait la deuxième fois que je candidate, après avoir tenté l'aventure la première année de création de la société. J'avais moins de chances de remporter la mise : la technologie était naissante et j'étais davantage tournée vers l'aspect recherche technique. Depuis lors, nous avons travaillé d'un point de vue artistique, développé une offre destinée à l'événementiel en plus de l'offre B to B, ce qui nous a donné plus de légitimité. C'est une ancienne nominée du prix Créatrices d'Avenir qui m'avait suggéré de participer.
Marion Crosnier : Le réseau Initiative Nord Seine-et-Marne nous a soutenu, notamment par le biais du prêt d'honneur, et nous a vivement conseillé de participer au concours Créatrices d'avenir. Notre démarche collait parfaitement au Trophée “Entreprise responsable”. Il faut savoir également que nous avons eu des investissements importants pour aménager le lieu, avec la création des sanitaires, d'une cuisine, d'une bibliothèque. Le concours peut apporter une aide précieuse.
La création se Sophie Hombert, fondatrice d'Aglaé
Que représente pour vous ces Trophées ?
S.H. : C'est une belle surprise ! Nous ne nous attendions pas à gagner deux prix, nous avons sauté de joie après avoir appris que nous avions remporté le “Trophée Créatrices 2019” en plus du “Trophée Innovation”. Je sais aussi que c'est un concours prisé, qui voit passer beaucoup de beaux projets et qui donne de la visibilité. L'esprit même des Trophées fait aussi beaucoup sens pour nous, puisque nous sommes à la fois dans l'innovation et dans l'art.
Nous avons remporté un prix monétaire de 7 500 euros au total ainsi qu'un accompagnement à choisir. J'ai opté pour le juridique, parce que nous avons des problématiques liées aux brevets et à la protection intellectuelle de notre technologie. Pouvoir être conseillés et bien entourés, notamment grâce au réseau de partenaires du concours, est une belle opportunité.
M.C. : Notre projet, déjà sur pied, était tellement authentique que nous n'avons pas douté de remporter ce prix (rires). Nous avons notamment accueilli une centaine d'adhérents sur la partie associative, mais aussi près de 1 000 clients sur la restauration à emporter. Nous avons vécu des épreuves plus difficiles durant les deux ans de création, mais le concours Créatrices d'Avenir est pour nous l'opportunité de passer le message à toutes les femmes et tous les hommes qui se morfondent dans des vies qui ne leur ressemblent pas, qui sont trop violentes, qu'il est possible de se reconvertir, de faire autrement. C'est ce qui est le plus important pour nous de véhiculer à travers ce prix.
Quels obstacles avez-vous rencontrés au cours de votre parcours de création ?
S.H. : Au départ, la plus grosse difficulté a été de stabiliser la technologie, de faire en sorte que le cahier des charges que je m'étais fixé et qui me permettrait de créer puisse arriver à ses fins. J'avais en effet lancé la société avant que la technologie soit au point, pour pouvoir avancer (avoir accès à certains laboratoires…), ce qui a représenté un premier risque. J'ai ainsi tenté l'aventure sans avoir de garantie de résultat. Le choix s'est finalement révélé bon, mais a demandé des moyens financiers et des moyens humains. Une fois le produit au point, il a fallu trouver ses usages, car c'est une technologie unique au monde et je n'avais pas de recul sur les marchés. J'ai beaucoup tâtonné et essayé différentes solutions, à l'instar du B to C. Il s'est trouvé que le B to B en événementiel était plus rémunérateur. Il a fallu près d'un an et demi pour développer cette nouvelle offre. Un autre défi a consisté à rassurer sur cette technologie inédite, à la faire connaître : il s'agit d'une solution unique au monde et nos interlocuteurs sont souvent étonnés de savoir que ça marche.
M.C. : Quand nous avons cherché à trouver des fonds pour procéder aux travaux du local de la gare de Chelles, nous avons obtenu de super accompagnements, notamment auprès du CIC ou du réseau Initiative. Mais nous nous sommes aussi heurtées à beaucoup de murs : les parcours de reconversion, notamment pour notre type d'offre, ne sont pas appréciés. Nous avons été qualifiées de hippies, de personnes sur la lune. On nous a dit que notre projet n'était pas viable et qu'il fallait redescendre sur terre. Or, notre projet était bien pensé, ce n'était pas une lubie. D'autant que nous sommes créatives. Donc nous avons rencontré beaucoup de personnes rigides, incapables d'imaginer que l'argent n'est pas une fin en soi, que les grandes écoles d'où nous venons, les métiers de bureaux bien rangés, ne rendaient pas forcément heureux. Un autre défi : en tant que Parisiennes, nous avons aussi dû changer de vie et nous approprier le territoire de Chelles, pour créer un vrai projet d'essence locale.
Céline & Marion Crosnier, Les ciboulettes.
Quels sont vos projets pour le futur ?
S.H. : Nous aimerions que notre solution événementielle soit plus récurrente. La difficulté de ce secteur est que cela nous demande toujours du renouveau. Nous avons pour objectif d'en faire notre cœur de métier, c'est quelque chose que nous apprécions particulièrement, nous parvenons à toujours nous montrer créatifs, à être force de proposition auprès des clients. À côté de cela, nous réservons 70 % de nos bénéfices pour la recherche sur la luminescence végétale pérenne, pour permettre d'éclairer les intérieurs (sur l'aspect aménagement) et les villes dans le futur. Nous prévoyons en effet de lancer bientôt une gamme de plantes stabilisées, ne nécessitant ni eau ni entretien. Ces produits seront par exemple proposés à des fins d'aménagements d'espaces pérennes pour des hôtels, des entreprises et des chaînes de restaurants. L'obtention du prix, qui équivaut à deux mois de recherche, pourrait nous permettre de passer des tests sur des conifères de 50 cm à des grands conifères pour s'attaquer éventuellement au marché des sapins de Noël. Ce travail implique aussi un travail actuel de renforcement de notre communication, de nos supports marketing etc.
M.C. : A très court terme nous allons proposer une offre de team building/brainstorming pour les entreprises, en y intégrant une forte dimension d'innovation sociale. Ayant été toutes les deux managers et consultantes, nous avons ces compétences - animer des réunions de travail, des formations sur l'innovation sociale, des jeux en équipe - en poche. L'offre sera lancée en janvier, avec une première entreprise qui viendra faire son séminaire en fin de mois.
C'est à la fois un moyen d'apporter un financement supplémentaire au projet et de faire réfléchir la population sur ce qu'elle peut faire pour modifier son quotidien. Chez Dailymotion, nous avons notamment fait un jeu de piste pour aboutir à une réflexion sur le numérique et l'environnement. À la fin, les employés sont repartis avec une liste de choses qu'ils voulaient présenter à leur direction, pour certaines des évolutions qu'il était possible de mettre en place dans leur entreprise !
Enfin, gagner ce prix, c'est aussi gagner en visibilité. Nous avons d'ailleurs déjà pris contact avec une personne intéressée par notre offre dédiée aux entreprises, lors de la soirée de remise de prix. Les 4 500 euros que nous avons gagnés nous permettront d'aller trouver quelques extras en personnel, en cas de besoin, pour la cuisine et en parallèle de bâtir notre offre pour les entreprises. Notre lieu d'implantation nous permet, compte tenu du flux important de voyageurs, de payer au moins nos frais fixes. Nous sommes bénévoles pour toute la partie associative.
Quels conseils donneriez-vous à une créatrice qui hésiterait à se lancer ?
S.H. : Je dirais qu'il faut savoir dès le départ que cela ne va pas être facile, que le chemin va être long, mais qu'il ne faut pas se décourager, notamment lorsqu'on développe une solution nouvelle, vraiment différente. Trouver son marché sera plus complexe, mais si les retours sont positifs autour de nous, c'est que la solution a du potentiel et il faut se montrer à l'écoute du marché. Quand on a vraiment envie de créer une société, de développer sa propre activité, d'avoir cette liberté-là, de pouvoir faire ce qu'on aime, même si on se retrouve souvent seul pour tout monter de A à Z, l'expérience est vraiment géniale.
M.C. : En tant que salarié, on réalise au mieux le rêve, au pire le chiffre d'affaires d'un autre, alors qu'en tant qu'entrepreneur, il est possible d'arrêter de dissocier sa vie professionnelle de sa vie personnelle. Mais il est il faut effectivement dépasser beaucoup de peurs pour s'offrir cette liberté.