Durant toute cette année, le Département de Seine-et-Marne, mais aussi sa ville natale de Bordeaux et le musée d’Orsay à Paris, va rendre hommage à l’ancienne illustre propriétaire du château de By. Expositions, conférences et festivals vont rythmer les prochains mois et honorer sa mémoire .
Une femme d’exception
Plongée dans un quasi-anonymat après sa mort, cette femme d’exception est sortie peu à peu de l’oubli pour être finalement célébrée aujourd’hui. Elle aura ainsi traversé le XIXe siècle entre ombre et lumière. Vivant de son art dès l’âge de 14 ans, Rosa Bonheur a été la première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur des mains de l’impératrice Eugénie en 1865, forçant le respect de ses prestigieux contemporains (Bizet, Buffalo Bill, Napoléon III et Victor Hugo). Une reconnaissance inespérée et teintée de revanche. « Rosa n’intéressait personne en France. Elle était ringarde ! », affirme Katherine Brault, l’actuelle propriétaire du château de By. Tout aussi inédit, Rosa Bonheur a été la première femme à acquérir un bien immobilier grâce au fruit de son travail. Ce bien, c’est évidemment sa propriété de Thomery dans laquelle elle a passé les 40 dernières années de sa vie. Pour Katherine Brault, le combat de Rosa Bonheur réside dans sa volonté d’élever la condition féminine : « Elle ne s’est pas intéressée aux chevaux et aux animaux sauvages pour rien. C’était sa façon de démontrer que le génie n’a pas de sexe. Il reste encore du travail pour que la mémoire des femmes illustres perdure dans notre Histoire au même titre que celle des hommes, mais Rosa est passée au-dessus des préjugés pour devenir une pionnière. » L’artiste avait pour habitude de se promener en forêt et d’écumer les foires pour dessiner ses modèles. Véritable amoureuse de la nature et des animaux, elle a lutté pour la préservation de la forêt de Fontainebleau et a défendu l’idée avant-gardiste selon laquelle les animaux possèdent une âme.

Une mémoire vivante
Si les hommages ont été nombreux après sa mort, ils n’en ont pas moins été spontanés. Ainsi, en 1901, le marchand Ernest Gambart fait ériger un monument à sa mémoire en face du château de Fontainebleau. Deux plaques en bronze représentent “Le marché aux chevaux” et “Le labourage nivernais”, deux célèbres tableaux de l’artiste, ainsi qu’un portrait d’elle réalisé par son frère Isidore. L’ensemble est inauguré le 19 mai 1901, en présence des autorités civiles et militaires et du maire de Bordeaux. Une partie de ce monument a aujourd’hui disparu, fondu lors de la Seconde Guerre mondiale. Seules les deux plaques sont conservées au Dahesh Museum de New York. Anna Klumpke, peintre portraitiste américaine, rencontre Rosa Bonheur en 1889. Désignée légataire universelle de l’artiste, elle s’engage à perpétuer sa mémoire telle une “mission sacrée”. En Seine-et-Marne, Rosa Bonheur a donné son nom à une route (en forêt de Fontainebleau), en 1903, à une rue (à Melun), à un collège (Le Châtelet-en-Brie) et à une maison de retraite (à Fontainebleau).

Thomery, le petit paradis
Originaire de Bordeaux, c’est en Seine-et-Marne que Rosa Bonheur s’installe lorsqu’elle fait l’acquisition du Château de By, à Thomery, sur un ancien domaine seigneurial du XVe siècle. Une acquisition rendue possible grâce à la vente de son imposant tableau “Le Marché aux chevaux” aux États-Unis. Situé à l’écart de la capitale et à la lisière de la forêt de Fontainebleau, ce lieu s’avère idéal pour cette artiste en quête de calme et d’évasion. Moutons, mouflons, isards et même des lions (dont Nero le plus célèbre) : de nombreux animaux, tant insolites puissent-ils l’être, investissent la basse-cour et le parc. Rosa Bonheur réalise alors d’innombrables œuvres graphiques (dessins, tableaux, photographies, objets d’art et sculptures) dans son atelier. Son petit rituel quotidien, une promenade en forêt de Fontainebleau, lui procure toute la sérénité et l’inspiration dont elle a besoin. Connaissant les moindres recoins de ce lieu mythique, elle y réalise de nombreuses petites aquarelles, en s’inspirant des paysages et des animaux qui l’entourent.
Attractivité culturelle
Après la mort de Rosa Bonheur, une partie de ses œuvres est offerte à des musées nationaux par Anna Klumpke, sa “fille d’adoption”, qui hérite de sa propriété. Le château de Fontainebleau accueille également certaines œuvres et va devenir le lieu de mémoire officiel de l’artiste. Préservé par les différentes générations de la famille Klumpke-Dejerine-Sorrel, l’atelier est, lui, ouvert au public, puis fermé à plusieurs reprises. C’est Katherine Brault qui va racheter le domaine en 2017, « passionnée et touchée par ce lieu d’exception authentique et jamais modifié ». En effet, toujours intact, l’atelier de Rosa Bonheur propose aux visiteurs une véritable immersion dans sa vie passée. Ce bicentenaire est donc l’occasion pour le Département de valoriser le château de By et d’en faire un lieu majeur de l’attractivité culturelle et touristique du territoire. « C’est l’occasion de remettre une artiste à sa juste place », estime Marie-Christine Labourdette, présidente du château de Fontainebleau. « Je souhaite que nous nous saisissions de cette opportunité pour mettre en lumière les femmes tout au long de cette année », proclame, pour sa part, Jean-François Parigi, président du Conseil départemental de Seine-et-Marne. Aujourd’hui, le château de By est labellisé “Maison des illustres”, une distinction qui, selon le Ministère de la Culture, désigne des lieux, dont la vocation est de conserver et de transmettre la mémoire de femmes et d’hommes qui se sont illustrés dans l’Histoire politique, sociale et culturelle de la France. C’est notamment le cas de l’ancienne propriété de Rosa Bonheur, dont l’authenticité offre une expérience inédite pour chaque visiteur.

président du Conseil départemental de Seine-et-Marne, Katherine Brault,propriétaire du Château de Rosa Bonheur,
Marie-Christine Labourdelle, présidente du château de Fontainebleau.
Les temps forts
De Melun à Thomery, en passant par Fontainebleau, le Département va commémorer Rosa Bonheur sous toutes les formes : expositions, conférences, festivals, sites internet et même publication d’un timbre dédié à l’artiste. Comme une évidence, le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, a été la date retenue pour lancer les festivités. Ces commémorations démarrent par une exposition permanente au château de By intitulée “Le Musée des œuvres disparues”. Le château de Fontainebleau proposera, lui, une exposition en accès libre, dans le cadre du festival de l’Histoire de l’art, qui se déroulera du
3 au 5 juin sous le signe des animaux. Parallèlement, une exposition se tiendra jusqu’au 23 janvier 2023, dans la cité royale. « Nous sommes heureux d’offrir à nouveau à la curiosité et à l’émerveillement du public les œuvres et les témoignages de la passion pour l’art animalier de celle qui fut l’artiste féminine la plus célèbre de son temps », salue Marie-Christine Labourdette. Enfin, on pourra voir Rosa Bonheur à la télévision dans le cadre d’un documentaire intitulé “Rosa Bonheur, dame nature”, coproduit par France Télévisions et le Musée d’Orsay, avec le soutien du Département, et diffusé en décembre prochain. Que du bonheur…
Le timbre souvenir
Près de 612 000 timbres vont être commercialisés par La Poste durant ce mois de mars. Cette émission philatélique spéciale rend hommage à une œuvre d’art représentative de la culture française. En effet, c’est une gravure du “Portrait d’un lion” réalisé en 1879 par Rosa Bonheur, qui est mise à l’honneur. Cette œuvre est conservée au château de By, à Thomery, et également au musée Rosa Bonheur. Le prix du timbre est estimé à 2,86 euros. Cette peinture de son lion Néro (qui a vécu au château de By), constitue une véritable mise en avant d’une des facettes artistiques de Rosa Bonheur. Elle est également visible, aujourd’hui, dans les collections permanentes du musée du Prado, à Madrid. Ce dessin préparatoire dépeint, au-delà d’un simple lion, le visage de l’animal on ne peut plus réaliste, laissant place à l’âme telle que l’envisageait sa maîtresse.

Château de By :
12 rue Rosa Bonheur, Thomery.
Ouvert du mercredi au dimanche (10h-18h30). Tarifs : 1, 8 et 15 euros.
Renseignements : 09 87 12 35 04. contact@chateau-rosa-bonheur.fr