Dépression, idées noires, tensions familiales… Face à la détresse psychologique touchant les entrepreneurs en difficulté, les personnels des tribunaux de commerce restent souvent démunis. Ce constat a mené Marc Binnié, greffier au tribunal de commerce de Saintes, à lancer en 2013 un dispositif nouveau dénommé « Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance psychologique aiguë » ou Apesa.
L'association a essaimé en Seine-et-Marne en octobre 2016, suite à la signature d'une convention avec les tribunaux de commerce de Melun et de Meaux. De mars à septembre, 45 alertes ont été lancées et 50 séances de psychologues ont été dispensées. Le coup de pouce de Seine-et-Marne Développement à hauteur de 5000 euros permettra ainsi le suivi de 15 à 20 personnes, selon Jean Huet, président de l'Apesa Seine-et-Marne.
Une prise en charge gratuite
Concrètement, il s'agit d'une « prise en charge psychologique rapide, gratuite » et réalisée par un spécialiste des souffrances morales provoquées par les difficultés financières.
Après accord du dirigeant concerné, le déclenchement du dispositif se fait par l'émission d'une fiche d'alerte par l'un des intervenants aux procédures collectives, formé au dispositif. Cette même fiche est envoyée à un coordinateur, qui, dans un délai de 24h, doit procéder à une évaluation précise de la gravité de l'état psychologique de l'entrepreneur. Par la suite, lui sont proposées cinq séances gratuites avec un praticien local. Au-delà, le dossier est transféré aux services de santé conventionnels et la prise en charge s'arrête.
« L'Apesa, c'est d'abord la prise de conscience d'une difficulté que la justice ne peut pas gérer », explique Olivier Morin, président par intérim de Seine-et-Marne Développement. « Avec 50 à 70 affaires traitées par jour, il n'est pas possible d'apporter un suivi », confirme Jean Gaillard, président du tribunal de commerce de Meaux. « Le capital santé du chef d'entreprise est le premier capital immatériel d'une entreprise, souligne Apesa France, or il est comme le capital financier parfois soumis à rude épreuve ».
Pierre Lory, président de Clé 77, précise en ce sens que « le tribunal représente une peur, une culpabilité » pour le chef d'entreprise, qui « accepte peu le regard de l'autre ». Mais retardant l'échéance au maximum, le dirigeant « aggravent son cas » et donc les risques de détresse psychologique. D'autant que les procédures préventives amiables (mandat ad hoc et conciliation) « aboutissent à une solution positive dans deux tiers des cas », argue Jean Gaillard, contrairement aux procédures collectives qui connaissant un taux de succès de 15 %.
Deux tribunaux engagés, une première
L'association Seine-et-Marnaise est la première à avoir été créée en France par deux tribunaux de commerce (Meaux et Melun) et l'ensemble des acteurs économiques. « Le patronat a répondu favorablement comme un seul homme », confie Jean Gaillard, président du tribunal de commerce de Melun, précisant que les agriculteurs n'y ont toutefois pas adhéré. Restait à recevoir un soutien de poids du côté départemental, c'est désormais chose faite.