AccueilActualitéGrand témoinAlain Griset: « L'opposition de principe n'est pas notre tactique »

Alain Griset: « L'opposition de principe n'est pas notre tactique »

Après la constitution, fin 2016, de l'U2P, organisation rassemblant la Capeb, la Cnams, la CGAD et l'UNAPL (*) sous une bannière unique, son président, Alain Griset, a entamé un tour de France. Alain Griset est Lillois et gère, avec son épouse, un centre d'esthétique. Il a entamé ce tour afin de suivre la constitution des délégations régionales de l'union.
Alain Griset est le président de l'Union des entreprise de proximité.
© DR - Alain Griset est le président de l'Union des entreprise de proximité.

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(*) L'U2P rassemble des entreprises artisanales, commerciales, et des professions libérales. Elle regroupe la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Confédération nationale de l'artisanat des métiers de service et de fabrication (Cnams), la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD) et l'Union nationale des professions libérales (UNAPL).

L'U2P résulte d'une volonté de rassemblement. Quelle est son ambition ?

L'U2P représente aujourd'hui en France 2,3 millions d'entreprises, (artisans, commerçants de proximité et professionnels libéraux) et 4 millions de salariés. Notre ambition est de pouvoir fournir à ces entrepreneurs un environnement fiscal, social, réglementaire, qui soit conforme à leur taille. Il faut absolument que, dans ce pays, on comprenne que les petites entreprises ont besoin d'un environnement à leur mesure. Le travail que nous menons, dans le cadre des ordonnances, du RSI, de l'apprentissage ou de la formation, consiste à rappeler au gouvernement que ce qu'il fait doit être conforme au fonctionnement de nos structures. Si nous continuons à fonctionner selon des règles qui ne sont pas faites pour nous, nous ne pourrons ni embaucher ni développer. Nous cherchons aussi l'équité de traitement entre les professionnels, à nos yeux, fondamentale. Depuis janvier, nous avons travaillé dans le but de mettre en place des U2P dans chaque région et dans chaque département.

Vous semblez plutôt satisfait des premiers mois de l'action gouvernementale ?

C'est vrai, pour l'instant. Concernant les trois sujets sur lesquels nous avons travaillé depuis mai (ordonnance code du travail, RSI, régime simplifié), les propositions formulées par l'U2P ont été, en très grande partie, reprises. Nous estimons donc que nous sommes dans la bonne direction. Mais d'autres sujets restent à aborder. Une partie seulement de la question du RSI a été traitée. Il y a aussi la réforme de l'apprentissage, celle de la formation professionnelle, celle des retraites. Nous avons donc encore un gros travail à fournir pour les dix-huit mois qui viennent, afin que nos collègues soient respectés et entendus.

Quels sont, malgré tout, les sujets qui suscitent votre inquiétude ou sur lesquels vous avez encore du mal à y voir clair ?

Sur le RSI, par exemple, le mécontentement concerne à la fois son fonctionnement, le montant et le calcul des cotisations. Le Gouvernement a dit qu'il allait travailler sur le fonctionnement de la machine. Très bien ! Mais nous voulons aussi qu'on se penche sur la question du montant et du calcul des cotisations. Sur quelle assiette doit-on payer ces cotisations ? Comment on les calcule ? Nous souhaitons aussi un vrai changement d'attitude des organismes sociaux : en cas de difficulté pour l'entreprise à régler ses cotisations, nous demandons l'instauration de systèmes permettant de payer en plusieurs fois. Nous voulons une démarche positive, pas une démarche qui vise à tuer l'entreprise à coup de pénalités.

Vous êtes également vigilants sur les réformes à venir…

Oui. pour les ordonnances du code du travail, on regarde les détails qui, comme chacun sait, sont le lieu où se cache le diable... Sur le code du travail, nous avions cinq priorités. Nous avons obtenu le fait que l'accord de branche soit prioritaire et qu'à l'intérieur de cet accord, nos collègues chefs d'entreprise puissent déroger, dans certains domaines. Le fait d'avoir, dans les accords de branche, une spécificité pour nos entreprises est quelque chose de fondamental dans la façon dont les textes seront écrits à l'avenir. Sur les questions prud'homales, notre priorité était de faire admettre qu'une erreur de procédure ne serve plus à faire condamner le chef d'entreprise. Là-aussi nous avons été entendus. Ne seront désormais condamnés que les chefs d'entreprise qui auront réellement fauté sur le fond et non sur la forme.

Nous voulions également faire sauter les seuils entre 0 et 20 salariés. Là, nous avons obtenus gain de cause à 85 % : Jusqu'à 20 salariés, il n'y aura plus l'obligation d'avoir un délégué du personnel. Sur les délais de recours après licenciement, qui étaient de deux ans, nous réclamions un raccourcissement à six mois, finalement, ils sont ramenés à un an. Enfin, nous étions les seuls à soulever la question de l'inaptitude d'un salarié pour des raisons non-professionnels : un accord interprofessionnel a été signé et l'entreprise n'aurait plus à supporter tout le poids financier dans le cas où elle licencierait un salarié qui, par exemple, se serait blessé au cours d'un match de foot, l'entreprise n'est pas responsable de l'inaptitude qui pourrait en découler. Globalement, si l'on prend en compte toutes ces mesures, on peut dire qu'il y a un progrès.

De plus, deux éléments sont venus s'ajouter : d'une part la mise en place d'un code du travail numérique, ainsi, de façon très simple, les entrepreneurs pourront obtenir des réponses très précises sur leurs préoccupations, ce qui est impossible aujourd'hui. D'autre part, tous les accords de branche devront obligatoirement contenir des mesures spécifiques pour nos entreprises. Auparavant, ces accords de branches étaient faits par les « gros », pour les « gros » et nous, nous devions nous y adapter, tant bien que mal. De manière générale, l'U2P pourra s'opposer à certaines mesures, mais nous dirons toujours ce que nous pouvons proposer à la place. L'opposition de principe, ce n'est pas notre tactique.

A-t-il été nécessaire, au moment de la constitution de l'U2P, de rassurer les professions libérales ? Tout le monde aurait pu être inquiet, pas seulement les professions libérales. Certes, il y a eu des interrogations. Même si un maçon et un notaire évoluent dans des mondes différents, néanmoins, il existe une « colonne vertébrale » commune très importante. Chacun a compris que l'addition des forces est un vrai plus. Je le vois bien à travers les contacts que j'ai avec les parlementaires et le Gouvernement : lorsque vous dites que vous représentez les professions libérales, les artisans, les commerçants, ils savent ce que ça représente sur le terrain, dans leurs circonscriptions, en termes de poids économique. Les U2P régionales se sont créées très vite et facilement. Au 30 juin, elles étaient toutes créées.

Quel est, selon vous, l'état d'esprit des 2,3 millions d'entrepreneurs que vous représentez ?

Il faut intégrer le fait qu'ils ont vécu près de neuf années terribles. Nous vivons aussi une transformation technologique, numérique, qui bouleverse une partie de nos métiers. Très clairement, il y a encore quelques mois, nos collègues étaient dans la colère, dans la contestation. Pour beaucoup d'entre eux, cela s'est d'ailleurs manifesté dans les urnes. Ils ont encore tendance à ne pas croire qu'on puisse travailler pour eux. On leur a beaucoup promis en termes de simplification, d'exonération et, au bout du compte, ils ont le sentiment de toujours passer à côté. Aujourd'hui, ils ont le sentiment que les choses vont un peu mieux, même si on reste loin de l'activité de 2008. J'espère qu'enfin les responsables politiques ont compris qu'il fallait un traitement spécifique pour ces entreprises. Si la reprise économique et l'environnement favorable se conjuguent, je pense que, très vite, la confiance renaîtra, qu'on reprendra les investissements et que, derrière, on embauchera. Mais il reste encore de l'impatience et des doutes.

Sur votre agenda, quelles sont les autres priorités à venir ?

Il y a la question de l'apprentissage. Les Présidents Hollande et Sarkozy avaient tenu des discours positifs sur ce thème, mais les mesures nécessaires n'ont pas été prises. Nous disons qu'il faut y aller vraiment, à présent. Il faut déconnecter la rémunération de l'apprentis avec l'âge. Il faut aussi, selon nous, sortir les diplômes professionnels de l'éducation nationale. Il y a aussi la réforme de la formation. Aujourd'hui, très peu de chefs d'entreprise se forment, et encore moins de salariés, alors que nos métiers évoluent. Très clairement, sur cette question, le discours d'Emmanuel Macron nous inquiète. Il dit qu'il veut faire un plan de formation de quinze milliards d'euros à destination des demandeurs d'emploi. Pourquoi pas ? Mais où vat- il prendre ces quinze milliards ? Si c'est sur les moyens actuels dédiés à la formation des professionnels, cela donnera une catastrophe. Autre sujet sensible : la réforme de l'assurance chômage. Le Président veut donner une couverture chômage aux travailleurs indépendants. Très honnêtement, nous n'avions rien demandé. On se demande comment il va faire financièrement et quels vont être les critères pour obtenir de nouveaux droits ? Nous serons attentifs aux nouveaux droit alloués et à la manière dont ils seront financés.

(*) L'U2P rassemble des entreprises artisanales, commerciales, et des professions libérales. Elle regroupe la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Confédération nationale de l'artisanat des métiers de service et de fabrication (Cnams), la Confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD) et l'Union nationale des professions libérales (UNAPL).

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