Le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Seine-et-Marne pointe, en revanche, « une fausse note » du côté de l'emploi... Il revient, par ailleurs, sur les impacts concrets de la baisse des ressources publiques sur l'activité de la chambre départementale. Jean-Robert Jacquemard demeure inquiet quant à l'équilibre financier, « soumis ces dernières années à des arbitrages budgétaires successifs ».
Quel bilan tirez-vous de l'activité économique seine-et-marnaise en 2018 ?
L'année 2018 s'est terminée sur un bilan mitigé, puisque l'économie seine-et-marnaise a cumulé à la fois des signaux défavorables et des tendances positives. Les mouvements sociaux de l'année 2018 (grèves SNCF, Gilets Jaunes) ont impacté la bonne tenue de notre économie. Ainsi, le nombre de défaillances d'entreprises s'est inscrit en forte hausse (+12,8 % par rapport à 2017) et le niveau d'emploi s'est légèrement contracté aux 3e et 4e trimestres 2018. A contrario, le taux de chômage est revenu à son niveau de la fin d'année 2017 (7,1 %) ; le nombre d'entreprises créées a enregistré une croissance élevée (+15,8 %) ; la fréquentation hôtelière a poursuivi son embellie, avec des taux d'occupation en progression — seul le mois de décembre fait exception avec une baisse de 2,5 points ; une diminution liée au climat social tendu de la fin d'année.
Les entreprises seine-et-marnaises ont-elles enregistré des résultats en hausse, dans l'aspiration de 2017
Après une très belle année 2017 pour nos entreprises seine-et-marnaises, 2018 affiche des performances en demi-teinte. En milieu d'année, les résultats étaient plutôt encourageants : malgré un léger recul, le CA des entreprises s'est maintenu grâce aux bonnes performances des structures de taille moyenne (36 % d'entre elles ont observé une croissance de leur CA, contre 18 % qui ont constaté une baisse). La fin 2018 n'a pas permis de réelle embellie, malgré une projection plutôt optimiste des chefs d'entreprise en milieu d'année : les mouvements sociaux, qui ont débuté en fin d'année, ont impacté leur activité.
L'activité 2018 s'est-elle traduite, dans le département, par une augmentation du nombre de créations d'entreprises et de postes salariés ?
La Seine-et-Marne est une terre d'entrepreneurs. Le volume global de créations d'entreprises y est toujours très élevé. Nous avons enregistré 14 200 établissements créés en 2018, soit + 15,8 % par rapport à 2017. Une croissance tirée par les micro-entrepreneurs (anciennement auto-entrepreneurs), qui représentent 32 % des créations en Seine-et-Marne.
En revanche, la fin 2018 s'est achevée sur une fausse note pour l'emploi seine-et-marnais, dont le nombre total a légèrement fléchi au 4e trimestre (-0,1 %). Hormis la construction, qui a observé un accroissement de ses effectifs (+319 emplois, soit +0,9 %), tous les autres secteurs d'activité ont réduit leur nombre d'emplois. L'intérim s'avère être le secteur le plus impacté, tant dans le département (-356 emplois, soit -2,2 %) qu'en région (-1 180 emplois, soit -0,9 %).
Quels sont les secteurs qui ont le plus progressé en Seine-et-Marne en 2018 ?
Au 1er semestre 2018, le niveau d'activité des prestataires de services s'inscrit en hausse dans des proportions équivalentes à celles relevées en 2017 : 31,3 % des chefs d'entreprise ont exprimé une hausse de leur CA et 25,6 % une baisse. Le CA est particulièrement bien orienté dans les établissements de taille moyenne : 41,9 % d'entre eux ont déclaré une progression.
Après une très bonne année 2017, l'activité dans la construction a ralentie en 2018 : 26,7 % des chefs d'entreprise ont enregistré une croissance de leur CA et 27,6 % un déclin. Les anticipations des professionnels de ce secteur, pour le début d'année 2019, sont des plus prudentes : seuls 21,9 % envisagent une hausse de leur CA.
A contrario, quels sont ceux qui ont rencontré le plus de difficultés ?
Durant le premier semestre 2018, l'activité dans le commerce de détail s'est stabilisée après avoir enregistré une hausse en 2017. Au 2e semestre, les perspectives étaient plutôt optimistes mais le mouvement des Gilets Jaunes a fortement impacté le secteur.
Comment a progressé la reprise d'entreprises dans le département en 2018 ?
Les problématiques de transmission-reprise d'entreprises sont sensibles et jouent un rôle important dans le maintien de l'activité économique. En Seine-et-Marne, la question est centrale puisque 21 % des entrepreneurs ont plus de 60 ans et 11 %, plus de 65 ans. (source : RP 2015). En d'autres termes, si l'on souhaite maintenir l'activité économique à son niveau actuel sur notre territoire, près d'une entreprise sur cinq sera à reprendre dans les cinq prochaines années. Le nombre de reprises d'entreprises dans le département, quant à lui, diminue pourtant pour la 3e année consécutive : il s'élève en 2018 à 484, soit -3,8 % par rapport à 2017.
(N.B. : les données sur la reprise ne concernent que les établissements ressortissants de la CCI Seine-et-Marne, c'est à dire les établissements inscrits au Registre du commerce et des
société (RCS). Ne sont pas inclus : les artisans sans activité commerciale, les professions libérales, les agents commerciaux, les associations, les administrations et, jusqu'en 2014, les auto-entrepreneurs).
Pour la CCI Seine-et-Marne, quelles sont les conséquences des nouvelles ponctions de l'État sur les ressources publiques qui lui sont affectées ?
En tant que principale représentante et défenseure des intérêts des TPE-PME-PMI, notre Chambre reconnaît les efforts de l'État pour réduire la pression fiscale sur les entreprises. Cela étant, nous demeurons toujours inquiets quant à notre propre équilibre financier, soumis ces dernières années à des arbitrages budgétaires successifs.
Ainsi, l'adoption de la Loi de Finances 2019 prive notre réseau consulaire de 100 millions d'euros de TFC (Taxe pour frais de chambre) par an, et pendant toute la durée du quinquennat, soit -400 millions d'euros d'ici à 2022. Une énième diminution de nos ressources fiscales qui constitue une menace directe sur nos actions de proximité au service des entreprises et des territoires, ainsi que sur nos emplois (plus de 4 000 en Île-de-France).
Comment, dans ce contexte, assurer correctement vos missions de service public et d'appui aux entreprises ?
Outre la situation budgétaire, l'évolution réglementaire impacte également nos activités, avec l'adoption, cette année, de deux nouvelles lois . La loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) restreint le périmètre d'intervention de nos chambres, avec la redéfinition de nos missions de service public et la disparition programmée de nos Centres de formalités des entreprises (CFE) à horizon 2023. La loi Pénicaud pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, quant à elle, modifie le financement de la formation et refond les modalités de gestion de la taxe d'apprentissage en excluant les Chambres consulaires de la collecte.
Quels sont les impacts concrets de cette baisse des ressources sur vos missions, des services aux entreprises à la formation ?
En dépit de ce contexte contraire, dont nous prenons acte, nous ne voulons ni nous résigner ni subir. Parce que nous avons des responsabilités et des engagements forts, liés à la croissance et à la pérennité de nos entreprises, à l'avenir et à l'emploi de nos jeunes, nous voulons pouvoir continuer à œuvrer en faveur du développement économique et territorial.
C'est la raison pour laquelle, avec les élus et les collaborateurs de la chambre, nous avons entamé depuis plusieurs mois une transformation de fond de notre CCI.
Lors de notre assemblée générale du 18 mars dernier, nous avons ainsi adopté à l'unanimité, pour 2019-2021, une révision de notre projet politique et un nouveau projet d'établissement.
Notre projet de développement s'adosse à trois leviers stratégiques : capitaliser sur la diversité des champs d'intervention de notre CCI (services aux entreprises, appuis aux territoires, formation) ; accentuer les synergies et les alliances avec les acteurs économiques et institutionnels du territoire ; et faire davantage « réseau » avec nos collègues des autres CCI, en particulier avec notre CCI de Région Paris Île-de-France.
La mise en œuvre de cette nouvelle stratégie repose sur une refondation de notre modèle économique, ainsi que sur une réorganisation de l'architecture interne de nos services, tant opérationnels que fonctionnels, s'inscrivant dans une logique de performance et d'évaluation des résultats.
C'est un challenge important qui nous attend : travailler différemment, faire mieux et plus que ce que nous faisons déjà. Concrètement, pour notre chambre, cela signifie donc développer de nouvelles ressources (chiffre d'affaires, subventions…) ; accélérer les mutualisations utiles nous permettant, par des alliances, de conduire et de développer à moindre coût nos actions ; et rationaliser notre politique de couverture territoriale, en redéfinissant notre politique d'implantation immobilière et le déploiement de nos services auprès des entreprises et des territoires.
Nos impératifs de retour à l'équilibre budgétaire à horizon 2022, associés à la réorganisation de nos services en découlant, vont malheureusement devoir se traduire par une suppression d'une cinquantaine d'emplois au plus pour notre CCI Seine-et-Marne (sur 250 postes actuellement occupés).
Êtes-vous tenté d'associer plus étroitement encore votre destin à celui de la CCI Paris Île-de-France ?
Dans le contexte qui est le nôtre aujourd'hui, élus et collaborateurs de la chambre restent mobilisés et investis. Toutes les solutions sont envisagées pour que la CCI Seine-et-Marne puisse poursuivre sa mission territoriale au service des entreprises.
L'optimisation et la rationalisation de nos ressources constituent la condition essentielle à la pérennité de notre structure. Nous avons donc engagé un processus de mutualisation avec notre Chambre de Région Paris Île-de-France, impliquant nos fonctions internes comme certains services d'appui aux entreprises. Notre CCIR qui, elle-même, a pris des mesures d'adaptation pour répondre à cette nouvelle donne qui, au plan national, vient encore bouleverser fortement nos chambres dans leurs missions, leur gouvernance, leur financement et leur fonctionnement.
Nous construisons, ensemble, nos CCI de demain. Avec une seule ambition : mettre toutes les chances de notre côté pour rester un acteur de référence du développement économique en Seine-et-Marne.
Comment a évolué l'offre Ocla en 2018 ?
Développé par la CCI Seine-et-Marne, l'Ocla (Observatoire des comportements et des lieux d'achats) a renforcé ses données sur les comportements d'achats en Seine-et-Marne en 2018, en s'appuyant notamment sur une modélisation à partir de son volet “offre”, ainsi que sur le recueil de 1 200 enquêtes auprès des consommateurs. Ainsi peuvent être estimés, pour chaque pôle commercial (centres-villes, centres commerciaux…), la répartition de la clientèle, les parts de marché des pôles concurrents, la provenance des clients… et cela, sur une vingtaine de marchés étudiés. L'OCLA permet à notre CCI de mieux accompagner :
- Les collectivités souhaitant poser un diagnostic et des pistes de développement pour leur centre-ville : la CCI accompagne notamment dans leur projet sur la partie “commerce”, les six villes sélectionnées dans le cadre du plan national “Cœur de Ville” : Avon-Fontainebleau, Montereau, Nemours, Meaux, Coulommiers et Melun ;
- Les enseignes et les commerçants indépendants qui souhaitent se développer, trouver et réaliser une nouvelle implantation, analyser leur concurrence ;
- Les porteurs de projet pour valider leur projet d'implantation (analyse Afom, concurrents, marché…), connaître le marché local et la concurrence, réaliser une étude de marché ou une étude sectorielle.